Chapitre 44

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Quelques jours après la réception, Tom m'invite à le suivre sans me donner plus d'explications. Nous nous retrouvons tous les deux, nous avons laissé Anna à Himari, qui est un peu comme une Michiko pour nous. Tom est au volant d'un petit utilitaire japonais, il est calme, détendu.

– Non, mais sérieusement, ils sont trop cool ces Japonais ! T'as vu leurs trottoirs ? On pourrait manger dessus ! Et Himari ? Non, mais tu as vu comment elle est avec Anna ? Et moi qui avais peur de la laisser ! Je n'aimais pas quand on devait laisser Anna chez Nathalie ou même Lucette. Là, je suis partie l'esprit tranquille. Je pense que je vais pouvoir m'y faire ici. En même temps, ce n'est pas comme si on avait le choix non plus, mais cela aurait pu être pire comme pays.

Il parle, il parle, je l'écoute, je l'observe. Voilà des semaines que je ne le sentais pas si joyeux. Il commente la route, le paysage.

– Hey ! T'as vu comme je maîtrise la conduite à gauche ?

Je n'ose rien dire, je souris simplement. Nous empruntons enfin une petite route montagneuse, puis un sentier bien entretenu et nous arrivons devant une belle bâtisse ancienne. Tom descend du véhicule sans rien dire, je le rejoins devant la maison.

– Alors voilà, c'est une vieille ferme, me présente-t-il. Là-bas, de ce côté, ce sont des pommiers. Et bio en plus. La petite grange là, dedans il y a tout pour les pommes et même pour les transformer en jus tu vois. Et là, de l'autre côté, le terrain peut accueillir un potager et un toboggan pour Anna, avec une cabane, je lui ferai une cabane.

J'allais parler quand il m'en empêche.

– J'ai parlé avec ton Eichi. Ouais, il a bien voulu me recevoir. Je lui ai dit, enfin il y avait une traductrice, bref, je lui ai dit que je voulais bien rester dans son pays, mais que ne rien faire, ce n'était pas mon truc. Moi, je suis agriculteur, tu comprends ? Alors je veux une ferme. Et là, le gars, il me montre un site internet avec plein de fermes à reprendre. Des tas de photos aussi. Même là, ils sont forts, pas besoin de te déplacer, tout est en photo, souffle-t-il impressionné. Du coup, c'est la ferme. Enfin j'ai choisi celle-ci, elle me plaisait, la culture des pommiers, enfin tout ça quoi. C'est sûr il y a du boulot, mais je vais aimer le faire. J'ai fait un crédit avec ton Eichi. Il ne voulait pas, mais moi, j'ai aussi mon honneur, tu comprends ?

Je fais oui de la tête, mais j'ai du mal à suivre. Pour une fois, Tom parle trop. Il se radoucit, sa voix se trouble quand il reprend.

– Écoute. Je sais bien que tout ce qui est arrivé, c'était complètement fou, et je n'ai pas été très utile. Je sais bien que ton Eichi là, il est vachement bel homme et riche et putain, les costumes lui vont bien, fait-il en se frottant son ventre. Je comprends que tu as envie d'aller avec lui, en plus, il te défend lui, moi, je fais pas grand-chose. Si je vis ici, tu pourras amener Anna de temps en temps pour que je puisse la voir grandir, tu vois ? Je ne suis pas lui moi.

– Je n'ai pas envie d'aller avec lui.

– Même pas un petit peu ? me demande-t-il légèrement étonné.

– Non.

– Oh, fait-il sérieusement avant de me regarder bien droit dans les yeux cette fois. Tu veux dire que même avec mon gras, tu m'aimes bien ?

– Oui.

– Et même si j'ai plus un rond en poche ?

Je pouffe de rire, lui aussi. Il s'approche enfin de moi et vient m'embrasser. Ça me manquait tellement que je me mets à pleurer.

– Est-ce que je t'ai dit que la maison était meublée ?

– Non.

– Et bien, elle est meublée. Et il y a un vrai lit, pas un futon où il faut que je roule pour me redresser, dit-il en riant. Ça te dit d'aller tester le lit ?

– C'est une excellente idée.

Il me prend la main, il est très souriant, quant à moi, je crois qu'on doit pouvoir me voir sourire de dos. Je suis si heureuse à cet instant. Heureuse. Heureuse.


FIN

NINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant