Chapitre 20

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Eichi m'a remise dans son lit, mais ce n'est plus pareil. Surtout que je sais qu'il va devoir choisir une femme et qu'un contrat de mariage va être fait. Une Japonaise. La fille d'un autre clan. Elle lui donnera des bébés japonais, tous bridés, tous bruns, tous mignons. Avec moi, c'est impossible. Je suis une pute, je suis polonaise. Je ne peux être que sa maîtresse, la femme de l'ombre. La deuxième. Celle qui devra l'attendre tout le temps, celle qui ne pourra jamais être libre.

- C'est comme ça Nina. Ce sont les lois dans mon monde, m'explique Eichi. Mais tu es à moi, je te couvrirai de cadeaux, tout ce que tu veux.

Nous sommes assis sur le bord du lit, il se rhabille, moi, je tiens le drap déjà devenu froid contre mon corps nu et j'observe son dos et l'énorme tatouage qui le recouvre. Je regarde ses cheveux noirs comme les corbeaux. Mon cœur se brise.

- Kocham cię.

Il me regarde avec curiosité.

- Ça veut dire je t'aime en polonais.

Son visage a changé, il s'est adouci comme jamais. Je le sens fragile à cet instant. Le fils du Dragon a perdu un bout de son amure d'acier.

- Katarina Olinsky. C'est mon vrai nom. Mon père s'appelait Malek et ma maman Anna. Ils sont morts brûlés vifs devant mes yeux, j'avais six ans. Depuis, je suis une pute. La putain de tout le monde. J'ai tué un homme, j'en ai vu mourir de nombreux. J'ai vu des dizaines d'enfants servir de jouet sexuel. J'ai été, je suis un de ces jouets. Et je t'aime Eichi, fils du Dragon.

Silence. Un assez long silence où Eichi ne bouge plus.

- Aishiteru, c'est le mot japonais pour dire je t'aime, murmure-t-il avec une infime pudeur en baissant la tête.

Je lui saute dessus, je l'embrasse avec fougue comme une gamine, je l'entends rire légèrement pour la première fois et nous refaisons des folies de nos deux corps d'ados, pas vraiment adultes, plus vraiment enfants. Nous n'avons pas eu la même vie, mais nous avons inévitablement grandi trop vite dans nos mondes séparés et différents. La seule chose que je sais, c'est que je ne serai pas sa maîtresse. Je refuse. Je veux être libre. Notre moment intime de ce jour-là, sera notre dernier moment tous les deux. J'ai choisi de prendre un autre chemin, une autre route et je ne sais pas où cela va m'amener, mais pour une fois, je veux faire un choix même si cela me coûte mon premier amour, mon peut-être seul véritable amour.

Le lendemain à l'aube, je laisse une lettre à Eichi sur le futon de ma chambre et je suis discrètement Michiko et un homme de Papy. Direction l'aéroport. Le jet privé de papy Dragon. Je m'envole à nouveau vers une nouvelle destination, enfin non, je retourne aux États-Unis, mais pour une nouvelle vie, ou plutôt une nouvelle partie. Une partie de jeu de go à taille humaine.

NINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant