Chapitre 28

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Tom, Anna et moi roulons, un silence pesant a envahi la voiture. Anna s'est endormie, Tom bougonne et moi, je regarde sans cesse dans le rétroviseur pour savoir si on nous suit. À une intersection, je vois la grosse voiture noire arrivée sur le côté, trop tard, je hurle quand elle nous percute violemment. Notre voiture fait un tonneau et s'écrase dans le fossé.

Je me détache rapidement et vois que Tom en fait autant, nous nous retournons aussitôt, Anna pleure, mais elle est bien vivante. Nous sortons du véhicule tant bien que mal, mais activement, je laisse Anna dans les bras de Tom qui est devenu muet comme une tombe, le visage blême, je le sens terrorisé.

– Ne bouge pas de là Tom, dis-je la voix tremblante en pleurant. Protège-là coûte que coûte.

Et sans qu'il n'ait le temps de dire un mot, je me lève, sors du fossé et me dirige les mains en l'air vers les quatre hommes qui s'avancent dans ma direction.

– Je me rends espèce d'enfoiré ! hurlais-je en anglais vers eux.

À cet instant, je n'ai aucun plan. Je suis totalement perdue, déboussolée. Je ne sais qu'une chose, je veux protéger ma famille. Mais j'observe. Ils ne sont que 4. Je ne suis pas armée. Eux oui. Qui sont-ils ? Aucune idée jusqu'à ce que l'un d'eux me pointe avec son arme et s'approche de près, les autres se sont figés.

– Garde les mains en l'air sale pute, grogne-t-il en italien.

Le clan d'oncle Tony. Tout va vite. Au moment où il est très près de moi, je le frappe avec mon pied dans son tibia pour entamer sa chute, je le bouscule, les autres tirent sur nous. J'ai le temps de lui voler son arme, de lui tiré dessus, j'ai réussi sans le vouloir à lui mettre une balle dans le visage et je cours et me jette dans le fossé à nouveau.

– On va te crever sale pute ! Hurle l'un d'eux.

– Et on va baiser ta fille jusqu'à ce qu'elle crève ! Crie un autre, toujours en italien.

Heureusement, Thomas ne comprend pas les mots prononcés.

Du sang coule sur mon visage, une balle m'a frôlé le cuir chevelu, mais j'ai surtout pris une balle dans le flan. La douleur est intense et je saigne beaucoup. Je pleure à chaudes larmes. Je suis désemparée, mais pas vaincue. Je dois protéger mon bébé. De là où je suis, je distingue Tom tétanisé par la peur et j'entends pleurer mon Anna. Accroupie, je cours vers eux. Je caresse le visage de mon homme, je lui mets du sang sur sa joue sans le vouloir. Il pleure, Anna aussi et moi j'ai d'énormes sanglots. Et d'un coup, j'ai une idée qui me vient. Je dois faire vite. Je déchire le bas de mon tee-shirt et je fixe Tom.

– Je te demande pardon. Pour tout, pour ça aussi.

Et d'un geste fort, mais d'une douleur énorme pour la maman que je suis, j'enfonce le tissu dans la bouche de ma fille sous le regard horrifié de Tom. Je veux seulement qu'elle se taise. Je pointe l'arme en l'air et je tire un premier coup. Je me retourne aussitôt vers Tom qui me hurle dessus devant mon geste cruel.

– Mais qu'est-ce que tu lui as fait ? Tu es un monstre ! Notre bébé !

Il tente d'enlever le tissu de la bouche d'Anna qui se débat, mais je l'empêche de le faire et je pose ma main sur la bouche de Tom.

– Ferme-là. Ne dis plus un mot par pitié.

Et je tire un second coup de feu en l'air.

Thomas est tétanisé, immobile, les yeux remplis d'incompréhension, de douleur, de larmes et de colère pour moi.

Je me mets à sangloter comme jamais, je crie fortement ma douleur et je tire un troisième coup de feu.

Silence. Je tremble. Anna s'étouffe, mais j'empêche Tom de lui ôter le tissu. Son regard s'est rempli d'effroi. Je reste concentrée sur les bruits. Je les entends arriver. Un ? Deux hommes ? Les trois ? J'écoute en tentant de ne plus respirer. Il doit me rester une ou deux balles, je ne sais même pas. Je n'ai pas compté et les armes, ce n'est plus trop mon truc. Je me mets en position couchée, contre le talus car je les entends arriver. Ils sont deux, ils se parlent, mais je ne me concentre pas sur leurs mots. Un seul se penche, je lui tire en pleine tête, il tombe dans le talus, son arme aussi que j'agrippe comme une folle et je me lève.

Je hurle comme jamais je n'ai crié de ma vie. Un cri d'une rage immense. Toute ma haine et ma colère qui se vident au moment où je me redresse et dégomme le second homme de plusieurs balles dans le corps. Je ramasse son arme. Le doigt sur la gâchette, je tire comme une forcenée et je fonce à pas sûrs vers le dernier qui riposte, mais je n'ai plus peur. Je tire, je crie, je tire encore, il tombe enfin. Je tire une fois encore sur les corps inertes pour être certaine et puis moi aussi, je tombe avec violence sur mes genoux et je hurle une dernière fois tout ce qui me restait de peur et de folie.

J'ai du sang partout, mais je n'ai pas le temps de réfléchir. Je cours à nouveau vers le fossé où je saute avec précipitation, j'enlève aussitôt le tissu de la bouche d'Anna qui se met à hurler de toutes ses forces elle aussi.

Je retombe à genoux en face de Tom, les lèvres tremblantes, la morve dégoulinante. Il a une tête à faire peur. Il pleure comme jamais.

– Il faut partir. Vite, dis-je en caressant les cheveux de ma fille et la joue de mon mari. Pardon ! Pardon !

Tom m'observe et son visage s'inquiète.

– Tu es blessée ? Tu...

– Faut partir ! C'est pas grave.

Je me redresse et prends Anna, le temps que Tom se mette debout. Je lui redonne notre fille et nous sortons du fossé. Tom regarde mon massacre. Il enjambe les corps et le sang, écœuré.

– File à leur voiture, on s'en va. Je prends les affaires.

Pas le temps de parler plus, je fonce vers notre coffre de voiture et ramasse les sacs. Puis sur mon chemin jusqu'à la voiture, je fouille les cadavres et prends armes et munitions.

Arrivée à la voiture, je suis surprise, Tom est assis à l'arrière serrant Anna avec force. Je ne dis rien, je m'installe au volant et je démarre aussitôt. Nous devons fuir et vite.

Je roule sans réfléchir vers la ville la plus proche et surtout la zone industrielle. Je me gare en plein milieu du parking d'un centre commercial et j'observe les lieux. Un hôtel est à quelques pas, nous devons nous reposer, changer Anna, nous nourrir et me soigner.

– Nous allons aller à l'hôtel là-bas, dis-je à Tom en me retournant vers lui. On va faire une pause et on repartira.

Mon mari n'est plus l'homme que j'ai connu. Il a pris dix ans en quelques jours et c'est entièrement de ma faute. Mais je le trouve encore très beau mon Tom. Fatigué, apeuré, mais je l'aime. Je tente un sourire, mais mon cœur est douloureux, mon corps aussi.

– On va mourir c'est ça ? Me demande-t-il avec une petite voix.

– Non. Je suis Nina, je vais vous sortir de là.

– Et toi qui te sauveras ... Nina?

Sa gorge se noue en prononçant mon prénom. Moi, j'ai mal partout. J'inspire une énorme quantité d'air, je ferme quelques secondes les yeux. Eichi.

NINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant