Chapitre 36

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Les deux frères se parlent, se toisent, la colère s'échappe de leurs gestuelles.

Kanta se précipite vers moi, empoigne avec force mes cheveux pour me faire pencher la tête en arrière et hurle en japonais, mais je comprends.

– Cette pute veut tuer notre père et toi tu veux que je te la laisse ? Regarde-là Eichi, c'est une putain ! Une putain tu comprends ?

Kanta me lâche et se dirige lentement vers Eichi qui ne m'a toujours pas regardée et le prend gentiment par le cou.

– Frère, reviens à la raison. C'est une pute. Tu peux avoir toutes les femmes que tu veux. Le vieux manigance des choses derrière nous, mon frère. On doit se débarrasser de lui, mais d'abord d'elle, fait-il en obligeant Eichi à me faire face et me regarder. Servons-nous d'elle pour attirer le vieux. Pour notre clan, pour notre père.

Le regard d'Eichi n'est pas resté longtemps dans le mien. Les années passées nous ont éloignés. Je ne suis plus sa Nina semble-t-il. Mon cœur se brise faisant gronder en moi une colère jamais encore ressentie. Je n'ai donc plus rien à perdre. Si Eichi ne m'aime plus, je n'ai plus envie de continuer. Je n'ai plus rien qui m'accroche à la vie.

Un simple hochement de tête de la part d'Eichi vers son frère et me voilà à nouveau la tête recouverte du sac sombre. Direction une voiture, puis une salle sans fenêtre où je reste prostrée tellement longtemps que j'en ai perdu la notion du temps. On me donne un seau pour déféquer, des plateaux de nourriture infâme, je me sens animale. Jamais, je n'avais été traitée de la sorte. Ai-je touché le fond ? Je me laisse mourir, mais je ne meurs pas, même sans manger.

Pour me rabaisser encore plus, certains gardes viennent me frapper, et puis un jour, deux d'entre eux m'ont violée, me laissant gémir au sol.

La porte de ma cellule s'ouvre et la lumière du jour m'aveugle presque. Un homme me soulève avec force et me tire vers un lieu où les deux violeurs sont à genoux, mains liées dans le dos. Eichi est là, dans son costume sobre. Son regard de colère s'affaiblit en voyant la morte-vivante que je suis devenue. Mais je ne comprends pas vraiment ce qui se passe.

– Ces hommes t'ont-ils violée ? Me demande Eichi en évitant de me regarder directement.

– Oui.

Alors sans hésiter Eichi sort son arme et me la tend sous le regard des autres hommes présents.

– Tue-les.

J'empoigne l'arme avec hésitation. Je me mets à pleurer quand je pointe le revolver vers le premier homme et je tire en pleine tête. L'autre s'agite, mais je ne laisse pas plus bouger, je tire avec rapidité. Je regarde l'arme dans mes mains tremblantes, l'envie de la pointer sur ma tempe grandit à une vitesse folle, mais Eichi me la reprend en frôlant mes mains. Il se penche à mon oreille.

– Tu es Nina. Tu ne dois pas mourir comme ça. Reprends-toi.

Je suis raccompagnée à ma cellule et je réfléchis aux derniers mots entendus. Comment dois-je mourir ? Je suis Nina. Nina. J'ai tué Olivia, Tony. Je tuerai l'homme aux cigares. Je suis Nina. Reprends-toi.

Alors je recommence à manger, à bouger dans ma cellule, à surtout ne plus me laisser me frapper. Je riposte. J'ai à nouveau un peu de hargne.

– C'est le grand jour ! Me balance l'homme qui vient me chercher pour me conduire dans une voiture.

Étrangement, pas de sac sur la tête, je peux admirer le paysage japonais qui défile. Je me perds à regarder les routes, les champs et le magnifique temple qui se dressent devant nous quand la voiture se gare au milieu d'autres voitures toutes aussi sombres les unes que les autres.

NINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant