Chapitre 32

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L'obscurité est encore là quand j'ouvre doucement les yeux. Je mets un petit temps à me souvenir où je suis. Mais la respiration de Tom, son corps contre le mien et son bras m'enlaçant me font légèrement sourire. Je suis vivante et avec ma famille. Je profite un instant de ce moment presque normal, mais la douleur qui tiraille mon ventre me rappelle la précarité de ma vie. Je sais aussi qu'on ne peut s'attarder, il faut nous rendre le plus rapidement possible au point de rencontre.
Je me tourne avec difficulté vers mon mari.

– Tom, il faut qu'on reprenne la route.

Son visage face au mien, je l'observe avec tout l'amour que j'ai pour lui. Je regrette tellement de l'avoir entraîné en enfer. Cet homme ne méritait pas cela. Il a tellement été gentil, doux, attentionné avec moi, qu'ai-je fait ? Je caresse avec douceur sa joue et sa barbe naissante.

– Je vous aime, monsieur Desforges.

J'ose un baiser sur ses lèvres avec la peur d'être rejetée. Mais je ne vois que son regard qui me scrute. Sans un geste, sans un mot, il se lève et se dirige vers notre fille. La douleur en moi est plus grande que ma blessure corporelle. J'ai perdu mon amoureux.

Je laisse Tom s'occuper d'Anna le temps que j'aille prendre une voiture. Pas évident de trouver un véhicule à voler qui ne soit pas bourré d'électronique. Je perds du temps, mais je trouve ce qu'il me faut un peu plus loin que l'hôtel. Personne ne me suit, personne ne m'observe. Où sont-ils ?

De retour dans la chambre, je m'occupe des armes que je recharge sous l'œil inquiet de Tom.

– Je ne sais vraiment pas qui tu es, finit-il par me dire.

– Vulgairement, je dirais une machine à baiser et tuer, dis-je la gorge nouée. Je suis une pute, j'ai été une pute toute ma vie, enfin jusqu'à ce que j'arrive en France, que je te rencontre. M'aurais-tu aimée si tu avais su que j'étais une pute depuis l'âge de six ans ?

Mes larmes et ma voix trahissent ma faiblesse. Nina s'évapore petit à petit. Je le sens en moi, la force m'abandonne. Je le regarde, il ne me répond pas. Il se lève, prend un sac puis notre fille dans ses bras et m'attend à la porte.

– C'est quoi la suite de ton programme ?

Je le sens énervé, vexé et triste aussi. Mais je dois restée concentrée, ne pas répondre à son agacement, ni sa colère. J'ai une dernière mission à exécuter : mettre Tom et Anna en sécurité.

Il me suit sans rien dire, Anna profondément endormie dans ses bras. Nous l'installons à l'arrière de la voiture dans un petit nid fait avec les couvertures volées à l'hôtel. Tom s'installe au volant, je ne dis rien. Je programme le GPS et nous prenons la route.

Pour briser le silence, je cherche de la musique à la radio quand je tombe sur un journal qui parle de notre village et des scènes de guérilla digne d'un film hollywoodien. Une ferme a été détruite par les flammes, je pense aussitôt à notre chez nous. Je tente de couper la radio, mais c'est trop tard. Je vois perler des larmes sur les joues de mon homme qui tente de garder la tête froide.

– Est-ce que tu crois qu'il y a eu des morts ? Me demande-t-il soudain.

– Je ne sais pas, osé-je soupirer.

Le silence a repris ses droits. Nous roulons vers un but, mais je ne sais plus qui nous sommes ni ce que nous allons devenir. Nous avons tout perdu par ma faute. J'ai tout perdu, une fois encore.

NINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant