𝐿𝑒𝑡𝑡𝑟𝑒

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     Bien avant que tout ne sombre, au temps de nos plus belles années, certains samedis tu me traînais du lit pour que je t'accompagne au zoo. T'y avais ton passe-droit pour tes recherches. On se postait toujours au même endroit, assises dans la poussière, devant l'enclos des loups, silencieuses et à l'affût. Tu m'avais expliqué qu'il ne fallait pas les déranger, qu'il était important pour ton étude qu'ils ne se préoccupent pas de notre présence pour que leurs comportements soient le plus naturel possible. Nature en cage, mais naturel tout de même.

     T'apportais ton gros carnet dans lequel tu y classais leurs actions. Quelles interactions ils avaient entre eux, ceux qui avaient tendance à être plus solitaires, plus agressifs, plus sociables.

     J'apportais un bouquin et je te laissais observer ces animaux qui te passionnaient tant. Les canidés étaient toute ta vie, c'est même pour les étudier que tu t'étais lancée dans des études d'écologie. Tu voulais qu'ils te dévoilent leurs secrets. Loups, chiens, lycaons. Tu les sacralisais et quand tu en parlais tes iris s'embrasaient.

     De temps à autre, tu me donnais un coup de coude pour me montrer ce qu'il se passait dans l'enclos. Deux loups en duel pour une femelle, des crocs qui sortaient de leur antre, des grognements qui se déployaient.

     Quand un visiteur passait, tu te plaisais à lui expliquer la vie de ces animaux. Tu contredisais les craintes que nous avions envers eux, persuadée que la littérature et la mythologie avaient fait d'eux les grands méchants de nos histoires alors qu'ils n'en étaient rien. Animaux solitaires qui traversaient plaines et montagnes, victimes de notre monde anthropique.

     Ces samedis, je pouvais être partout ailleurs mais j'aimais rester là. Le calme du zoo nous reposait, l'intelligence des loups à nos côtés nous captivait.

     Des mois plus tard, perdue sur Instagram, scrollant des feeds, m'instruisant de peu, j'étais tombée sur un post de France Culture. Ils font des podcasts que j'adore. Leur dernier : sur les loups. J'avais écouté le premier épisode et j'avais vu ton nom. T'étais là, inscrite. On te remerciait d'avoir offert ton savoir pour réaliser ce podcast. Même après ton départ, tu continuais de briller partout.

Lettre à ÉliseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant