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     Je suis le bateau ivre, la tempête, l'ouragan. Je vogue sans enclume, m'attachant au vivant. Je suis comme laissée par la marée sur le sable humide. J'y ai laissé mon cœur, mon âme, mes souvenirs. J'ai tout perdu depuis et pourtant seulement toi.

J'ai fui Marseille et son odeur brûlée. J'ai quitté son goudron qui cramait, sa tumultueuse population. Je ne voulais plus la voir pour ne plus revivre, à chaque tournant un souvenir. J'ai fui ton rire qui résonnait dans chaque bar, ta robe flamboyante que je voyais virevolter sur chaque pavé. T'étais là partout où je ne pouvais te trouver.

Le ferry nous a déposés sur le port. Poiscaille, chaleur cruelle, klaxons qui s'accaparaient la poésie des vagues.

On était dépités de voir que Marseille n'avait pas brûlé. Elle était toujours là comme nous l'avions laissée. Rien n'avait bougé.

Mais au fond de moi j'ai su, où que j'aille tu y serais, alors pourquoi haïr cette ville dans laquelle j'ai aimé, j'ai dansé, j'ai vécu, avec toi. Et dans laquelle je vivrai encore pour continuer de sentir ma jeunesse fleurir, et mes aventures frémir. C'était ici que notre histoire avait commencé et c'est ici que la mienne continuerait.

Les doigts de Mahé se sont glissés entre les miens. En revenant de Pertusato il m'a avoué qu'il ne comptait plus me laisser filer. Pour la première fois je n'ai pas rechigné. Avec lui je me sens vie. Les pieds sur Terre. Atterrie.

On a fait un pacte, tous les cinq. Tout bête, tout beau. Quoi qu'il arriverait on ne se quitterait plus. Chaque été on irait randonner. Qu'importe nos vies, nos boulots, nos chemins. Quelques soit les lourds souvenirs qui nous unissent, il n'en reste pas moins qu'ensemble on a crée des liens que le temps ne peut plus briser. Nos sentiments sont tissés les uns aux autres avec tant de croisements, qu'on s'est promis qu'on continuerait à tracer nos histoires enlacées.  

FIN

Lettre à ÉliseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant