Après l'évènement du loup, notre déambulation nocturne nous a fait atterrir au milieu d'une petite forêt côtière. Là, une clairière semblait avoir patienté toujours en attendant notre venue. Brins vert pâle couvrant la terre, petits bosquets de bruyères emmêlés de salsepareille. En contre-bas, l'eau dormait entre les galets, reflétant la nuit étoilée qui nous portait.
Mahé a posé son sac à ses pieds.
— Ici, c'est bien.
Et il s'est allongé sur l'herbe naissante.
J'ai frémi en regardant autour de moi, persuadée que l'animal pouvait être encore là.
— Y'a rien d'autre que nous, m'a-t-il assuré en tendant son bras pour m'inviter à le rejoindre.
Je ne lui ai pas avoué que je ne craignais plus rien.
Le sol était si doux que je n'ai su y résister. Nos cheveux encore humides du bain que nous avions pris sur la plage de Tiuccia se sont mêlés. Mahé a approché mon poignet de sa poitrine pour jouer avec mon nouveau bracelet.
— Alors, ces super-pouvoirs ?
Les rayons de la lune parfaitement pleine me dévoilaient tous ses traits.
— Même plus peur, ai-je murmuré.
Parce que je voulais qu'il soit le seul à l'entendre, que même la forêt n'en saurait rien. Seul le loup l'avait perçu et à présent je le confiais à Mahé.
Il a souri comme si j'avais dit une blague. Le bracelet de Telma comme lien entre nous.
— T'es trop belle.
J'ai senti une fissure marquer le casque de mon scaphandre. Mon oxygène s'est mis à cavaler.
On a mis nos duvets au sol pour créer un lit et dormir à la belle-étoile. Entre les branches au-dessus de nos têtes nous pouvions en apercevoir quelques-unes.
Les doigts de Mahé ont remonté mon bras jusqu'à mon visage, lentement, dégrafant ma combinaison d'astronaute à son passage. J'ai senti l'air s'infiltrer partout. Sa main voguant sur mon cou a fissuré à nouveau la vitre de mon casque. J'ai lové ma tête au creux de sa paume, glissé mes doigts contre sa clavicule.
Alors j'ai quitté ma combinaison comme une chrysalide. Je n'ai pas pu résister, mes barrières ont lâché. Nos corps se sont trouvés comme s'ils y étaient destinés. Entre ses lèvres j'ai glissé mes lèvres, ma peau toute neuve a rencontré la sienne. J'ai tremblé de cet instant comme nue sous les étoiles. Contre moi Mahé se perdait. Son cœur pulsait sous nos mains amoureuses.
Il s'est reculé pour s'assurer que je savais ce que je faisais. Mais je n'avais rien à perdre, il l'avait dit, il n'y avait que lui et moi. Et nos milliards de petites cellules qui se découvraient les unes les autres, milliards de petites cellules qui se sont mis à valser, n'y pouvant rien, éveillant la Voie lactée au-dessus d'elles. Tout a brillé, la mer s'est éclairée, les lucioles se sont réveillées. Ça s'est irradié, en moi, là-dessous. Entre ses doigts, tout contre lui, là-bas, sous ma poitrine et ce cœur toujours plus imbécile qui riait à présent. Petites lumières agitées par ces milliards de cellules qui, pour une fois, ont réappris à vivre. Animées de chaleur, désinhibées d'amour.
J'ai fermé les yeux pour accueillir cette planète rien qu'à nous que nous avions cherché, repoussé, fui et rattrapé.
Sous le pli ombragé de ton sein droit
Se dissimule là
un grain de beauté
Je le sais
Je le sais, je le sais, je le sais, je le sais(Le visage de la nuit, Tim Dup)
— Je t'aime, ai-je déposé à son oreille tel un poème.
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Lettre à Élise
Teen FictionSur un coup de tête, Cléo part en compagnie de Jules, Katie, Mahé et Clémentine grimper les montagnes de la Corse. Ils n'ont aucune préparation, seulement quelques affaires entassées dans leurs sacs à dos et leur amitié fébrile. Pourtant, même les p...