Chapitre 3

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Point de vue: Alaric.

En quête de nouveaux pigments pour mes peintures, tôt dans la matinée je me suis muni d'une corbeille pour aller chercher des fleurs ou autre pouvant m'aider à trouver ce que je voulais.

Je le fais à cette heure car notre mère refuse qu'on s'aventure dans la forêt sans un soldat avec nous. Ce n'est pas que ça me gêne mais ils écrasent tout ce qui peut m'être utile lorsque c'est le cas. Alors je préfère y aller seul, je ne m'éloigne jamais très loin, ne voulant pas atterrir dans un royaume voisin ou un de nos villages. La nature est si belle lorsque plus personne n'est là. Les oiseaux chantent, les insectes vivent leurs vies. Je me retrouve même à observer un great-eared Nightjar, cet oiseau est si beau à regarder du au parfait mélange entre un volatile et un dragon. Il ne semble pas prêter attention à moi qui ne fait que passer sous la branche qu'il avait désigné comme perchoir. Je ramasse quelques fleurs que je dépose délicatement dans mon panier pour ne pas les abîmer. Je continue ma quête en veillant à ne pas nuire à l'équilibre des animaux présents.

Une légère lumière brillante m'interpelle, elle semble venir directement des fleurs qui étaient plantées sur le sol. J'hésite un moment, me demandant si ce n'était pas mes yeux qui me faisaient défaut avant de commencer à m'approcher de celle-ci en m'accroupissant par terre. La lumière reste brillante, comme si elle m'appelait.

Une main se posant brusquement sur mon épaule me fait sursauter et lâcher un léger cri d'effroi, ce qui fait taire la brillance et fait s'envoler plusieurs oiseaux.

- Excuse moi, je ne voulais pas te faire peur.
- Agnar...bon sang, bah c'est raté. Qu'est ce que tu fais là ?
- J'ai vu que tu étais parti, tu sais que la reine n'aime pas que vous veniez ici tout seuls.
- Je n'ai pas besoin de chaperon, elle exagère il n'y a rien ici à part des animaux et des plantes.
- On ne sait jamais.

Je soupire lourdement, m'aidant d'un arbre pour me remettre sur mes deux jambes.

- Qu'est ce que tu fais ?
- Je cueillais des fleurs pour mes peintures, mais tu en as sûrement écrasé la moitié avec ton armure.
- J'ai marché dans tes pas, je fais attention maintenant je ne voudrais pas me faire disputer une énième fois.

Il me sourit de nouveau et je ne peux rester plus longtemps en colère avec ça.

- Mmh, bon allez on peut rentrer.
- Tu es sûr ? Je ne t'empêche pas de continuer.
- Tu n'es pas encore un soldat officiel, tu vas te faire réprimander pour ne pas avoir appelé de l'aide. Je préfère rentrer.
- Comme tu veux.

Je me dirige avec prudence vers le château, me demandant ce que pouvait bien être cette lumière qui venait du sol. Agnar semble remarquer mon état et se met à mes côtés lorsque nous quittons la forêt.

- Tu es en colère contre moi ?
- Non non, tu fais que ton travail.
- Pourquoi tu sembles...soucieux alors ?
- Ce n'est rien d'important.

Il n'insiste pas et nous nous retrouvons dans l'enceinte du château, une des gardes se tournant vers nous.

- Et bien te voilà toi, Agnar tu es en retard pour ton entraînement. Ce n'est pas en agissant ainsi que tu deviendras un vrai soldat.
- Excusez moi madame c'est ma faute, j'ai retenu Agnar pour une balade.

Grâce à mon statut, je ne me fais pas réprimander et évite à mon ami une punition. Il m'offre un sourire en guise de remerciement et part ensuite s'entraîner avec le reste des cadets.

- Une balade mmh ?

Je me tourne vers la voix de ma sœur, qui semble sous entendre quelque chose.

- Oui, une balade.
- Et tu fais ça souvent dans la forêt ?

Je mets soudainement ma main sur sa bouche pour la faire taire.

- Crie le plus fort encore !

Elle retire ma main en levant les yeux au ciel.

- Alaric, ce n'est pas prudent de faire ça.
- Ne joue pas le rôle de notre mère je t'en prie.
- Je dis ca pour toi mais aussi pour lui, si y'avait eu une enchanteresse dans la forêt, et qu'il avait été forcé de t'attaquer ?
- Arrêtez avec ça, ça fait vingt ans qu'il n'y a rien eu ! Tu crois qu'elles attendent sagement dans la forêt que quelqu'un y entre ?
- Tu es complètement inconscient.
- Ne fait pas comme si tu te souviens de ce jour Nakoa, tu n'étais qu'un bébé.
- Oui, et j'aurais pu perdre la vie ce jour-là si l'oncle d'Agnar ne m'avait pas sauvé. Il a perdu la vie pour ça tu veux qu'il connaisse le même destin ?

Je reste muet face à sa question, même si je ne partage pas les idées de ma mère et de ma sœur sur nos ennemis, je dois avouer que je fais prendre des risques à Agnar. Ma pire hantise est de le perdre, encore plus si c'est de ma faute.

- Bien, alors ne t'aventure plus tout seul la bas.
- J'ai compris.

Elle tourne ensuite les talons vers les portes, elle n'est pas encore reine et pourtant elle a toute la poigne qu'il faut. Je reste un moment assis sur le banc donnant sur l'entraînement des futurs soldats afin de les observer. Agnar est assez doué, je crois même que c'est le deuxième meilleur cadet de sa promotion. Mais ça ne suffira pas s'il se passe réellement une guerre plus tard. J'espère qu'elles ont tort et qu'on n'aura jamais à subir cela. Mon regard se perd une nouvelle fois vers la forêt, je n'y peux rien si cela m'attire, nous sommes entourés d'un paysage magnifique et nous ne pouvons même pas en profiter. Il est vrai qu'elle est dense, nous ne voyons même pas les villages aux alentours à part dans la plus haute tour du château. Mais comment peut-on ne pas profiter des merveilles que contient la nature ? Peut-être même qu'il se trouve un moyen dans celle-ci de contrer les pouvoirs surnaturels de nos ennemis.

- Alaric ! Il est l'heure du petit déjeuner, tu viens ?

Je me tourne vers Nakoa, m'appelant depuis la fenêtre du rez-de chaussée, je quitte ensuite mon banc pour aller les rejoindre, tournant le dos à la forêt. Je m'installe avec ma famille autour d'une table bien garnie de fruits, brioches et de boissons préparées par nos cuisiniers.

- Vous avez passé une bonne nuit ?
- Oui maman.
Je réponds simplement.
- Je me demandais, nous pourrions voir ensemble les modèles des tenues pour le couronnement. Évidemment le vert et l'or est obligatoire mais vous pourriez prendre une tenue qui vous convienne.
- Ça me ferait plaisir oui, et toi Alaric ?
- Ça ne me dérange pas.

Le silence prend place dans lequel ma mère me tend une broche en or, représentant une branche avec des feuilles.

- Je ne te l'ai pas offerte à tes dix-huit ans, mais je pense qu'il est temps que cela te revienne.
- C'était à papa...?
- Oui, je sais que tu ne l'as pas connu, mais peut être que tu sentiras un peu de lui quand tu la portera pour ce jour. Et toi Nakoa tu pourrais porter mes ornements et mes bijoux que je portais également.

Je prends la broche avec délicatesse, du bout des doigts comme si un seul frôlement pouvait la briser. Je ne sais comment me sentir entre la tristesse de ne pas avoir connu notre père et l'honneur d'avoir ce bijou.

- Merci maman, ça nous fait plaisir.

Heureusement que Nakoa est là pour parler à ma place, car je reste totalement muet. L'émotion me prenant la parole.

- Bien, mangeons maintenant.

Je retiens une larme en avalant mon repas comme pour faire disparaître la boule qui se tenait dans ma gorge.

Eaduria TOME 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant