Chapitre 21

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Point de vue: Alaric.

Plusieurs jours se sont écoulés depuis la récente attaque, depuis ce moment Nakoa et Agnar se sont éloignés de moi. Je me retrouve seul sans personne avec qui parler, même lorsque je viens observer mon ami s'entraîner. Il m'esquive en faisant comme si je n'étais pas là. C'est sûrement de ma faute, il doit regretter notre rapprochement. C'était tellement stupide de ma part, il vaut mieux que je laisse la distance qu'il met entre nous ainsi.

Quant à ma sœur, je suppose que c'est son travail de reine qui la rend si indisponible. Elle s'enferme souvent dans la salle de réunion ou à la bibliothèque et n'en sort que pour dîner. Sans aucune discussion je trouve le temps terriblement long, et même ma peinture ne m'occupe pas assez. Faut dire que je n'ai plus beaucoup d'idées en ce moment.

Je me retrouve donc dehors, ayant obtenu l'autorisation de Nakoa, installant mon équipement pour tenter de retrouver l'inspiration. Regardant au loin mais la vue de tous les soldats gardant le château depuis l'ordre de la reine me plombe le moral. On se croirait dans une cellule. Je soupire longuement en restant les yeux évanouis sur la toile blanche devant moi. J'ai tellement de choses en tête et pourtant rien ne me vient, rien ne m'inspire. J'ai l'impression d'avoir totalement perdu le goût de peindre. Mais si je n'ai plus ça, il ne me restera vraiment plus rien. Je force mes pupilles à essayer de se concentrer sur la forêt et le même scintillement de la dernière fois refait surface. Nous sommes en pleine journée, je doute donc que ce soit les lucioles étant donné que leurs lumières sont plus faibles. En quête de réponses, je me dirige vers les bois mais me fait rapidement rattraper par un garde.

  - Excusez-moi mon prince mais vous ne devez pas quitter le royaume. Ordre de la reine.
  - Je veux juste voir quelque chose, vous pouvez m'accompagner.
  - Je regrette mais nous ne devons pas nous éloigner de notre poste, veuillez revenir.

Je soupire lourdement et rebrousse chemin. Je fixe toujours le même endroit et le même phénomène se reproduit, je semble être le seul à l'avoir remarqué. Je profite que Faye apporte leur repas pour m'éclipser rapidement vers les bois, tant qu'à désobéir à Nakoa autant que je sache enfin ce que cette lumière veut dire.
Je m'enfonce en faisant le moins de bruit possible, je m'arrête net ne voulant pas aller trop loin du château et attend patiemment. Je finis par revoir le scintillement venant d'une fleur, puis de plusieurs. Celles-ci bougent pour dévoiler des fées, des créatures connues pour guider les perdus et veiller sur la nature. Depuis que je suis née j'entends des légendes sur elles mais jamais je n'en avais vu auparavant, hormis dans mes rêves comme l'avait présumé Agnar. Leurs corps se marient dans la faune et la flore les camouflant parfaitement ce qui explique pourquoi personne ne les avait vu avant. Je n'ose même plus bouger ni dire un mot, une des fées dont le corps était similaire aux branches et à la verdure d'un arbre vient se poser sur mon doigt pour le tirer légèrement. Je ne ressens pas vraiment de pression mais m'avance pour essayer de comprendre leur message.

Mes pas sont guidés par leurs mouvements et leurs lumières, je reste lent pour éviter d'en blesser une par mégarde. Je viens à penser que si elles me tendaient un piège j'aurais foncé la tête baissée sans poser de questions. Mais mon instinct me persuade que ce n'est pas ça, que la nature essaie de me dire quelque chose. C'est sûrement égocentrique de penser comme tel.
Soudainement, d'autres pas se font entendre derrière nous ce qui effraient les créatures. Elles reprennent toutes leurs postes et je n'arrive plus à distinguer les plantes des vraies fées.

  - Alaric ?!

Je me tourne vers la voix de Faye et commence à retourner vers le château, veillant toujours à ne pas écraser une fleur ou un champignon dans le doute. Lorsque je la retrouve, je réalise que je m'étais vraiment beaucoup éloigné sans m'en rendre compte.

  - Tu viens me faire la morale ?
  - Non je vous ai vu partir mais j'ai besoin de vous parler, en privé.
  - Je t'écoute.
  - Je trouve Nakoa...différente, ces temps-ci. Je pensais au départ que c'était dû au deuil de votre mère mais je pense qu'il y a autre chose.
  - J'ai remarqué aussi. Mais elle refuse de me parler et maintenant elle m'évite.
  - Justement, elle passe son temps à lire, à s'informer sur les enchanteresses. Mais je ne sais pas dans quel but.
  - Peut être qu'elle essaye de connaître leur point faible ?
  - Je ne sais pas mais plus le temps passe et moins elle semble être celle qu'on connaît. J'ai peur que cette guerre ne la change en quelqu'un qu'on n'apprécie pas.

J'acquiesce d'un signe de tête, réfléchissant à ce qu'on pourrait faire.

  - Elle t'a toujours écouté, toi plus que les autres, peut être que si tu lui parles elle suivra tes conseils.
Dis-je, sûr de moi.
  - Je doute que je puisse être utile...
  - Je suis sûr que si, s'il te plaît.
  - D'accord, je vais essayer.

Je lui offre un sourire compatissant avant que nous retournions ensemble vers le château sous les regards surpris mais impuissants des soldats.

Sous les conseils de Nakoa, après le déjeuner je me rends vers le lieu d'entraînement. Certes le combat n'est pas ma passion mais elle avait raison sur le fait que je ne sais pas me défendre, et si elle n'avait pas été là je serais sûrement mort. Depuis je m'efforce de venir m'entraîner au moins une heure chaque jour, lorsque les soldats ne sont pas là. Je tiens maladroitement mon arme et fait face au mannequin de paille devant moi, le combattant mais me fatiguant rapidement.

  - Tu n'as pas la bonne épée.

Je me tourne vers Agnar qui me regardait mais détourne les yeux pour l'ignorer comme il le fait depuis longtemps. Il s'approche tout de même en me tendant une autre lame.

  - Celle que tu tiens n'est qu'une épée cérémonial, elle pèse plus lourd que les autres c'est pour ca que tu te fatigue. Ça se porte à deux mains comparé aux nôtres qui ne font même pas un kilo.
  - J'existe soudainement ?

Dis-je froidement, il semble culpabiliser mais je ne compte pas me laisser avoir.

  - Désolé d'avoir été distant…
  - Tu fais bien de t'excuser, ça m'a fait mal de me retrouver sans personne. Je peux comprendre que tu regrettes et que je te dégoûte même si tu veux mais au moins un mot pour m'expliquer c'était pas dur.
  - Pourquoi tu me dégoûterais ? Attends...Tu crois que j'étais distant pour quoi au juste ?
  - Bah parce qu'on a failli s'embrasser ?

Son visage change soudainement, étant surpris avant de rire faiblement.

  - Non..Non je ne regrette pas ça, et ce n'est pas pour ça non plus.
  - Ah...Alors c'est quoi ?
  - Je me sens minable de ne pas avoir pu te protéger ce matin-là, j'ai baissé ma garde et ta sœur a eu raison de me le reprocher. Ce n'est pas digne d'un soldat de risquer la vie de la famille royale.
  - Tu débutes encore, et puis on était deux j'aurais pu moi aussi être plus utile. Mais ne mets pas de distance entre nous juste pour ça s'il te plaît.
  - Je veux juste pas que cela se reproduise.
  - Et bien on portera constamment des protections dans ce cas.

Il rit de nouveau cette fois étant un peu plus décontracté.

  - Cela va être dur de s'entendre.
  - Alors on ne parlera pas. On restera juste ensemble.

Il sourit en se rapprochant pour prendre l'épée que je tenais et venir me murmurer.

  - Je crois que le fait que je te fasse la cour déteint sur toi.
  - Il faut croire.

Je souris à mon tour, caressant légèrement ses doigts qui tenaient le manche de l'arme. Ses yeux se plantent dans les miens et je lutte pour ne pas succomber, venant lâcher ma prise pour changer de lame.

  - Bien, tu m'excuseras mais je dois m'entraîner.
  - Je peux te donner des cours, juste pour que tu puisses te défendre.
  - Mais oui bien sûr, juste pour ça.

Il me sourit et vient me guider ensuite, nous passons le reste de la journée ensemble avant que je parte pour le dîner. À table, Nakoa semble encore plus froide que d'habitude. Je cherche du regard sa dame de compagnie pour tenter d'avoir des informations mais je ne la trouve pas.

  - Inutile de chercher Faye. Elle n'est plus là.

Mon cœur s'accélère un moment, arrêtant de manger pour la regarder.

  - Où est-elle ?
  - Elle a décidé de quitter le royaume.

Eaduria TOME 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant