Eaduria TOME 1

Chapitre 35

Point de vue: Alaric.

Je n'arrive pas à calmer mes sanglots. Les jambes recroquevillées contre mon torse, allongé dans mon lit. Je ne cesse de repenser à tout ce qui vient de se passer. Nakoa n'est pas ma sœur, et elle vient de tuer celle qui l'était. En plus d'avoir fait de même avec notre mère et maintenant que j'y pense, Faye a sûrement connu le même sort. C'est une meurtrière pourtant je ne cesse de l'aimer, mon cœur me fait mal à force d'être tiraillé ainsi.

La porte s'ouvre et je me tourne vers celle-ci, voyant Agnar fermer derrière lui.

- Comment as-tu...
- Tu m'as donné une de tes clés.
- Oh...

Je repose de nouveau ma tête sur l'oreiller et il s'allonge près de moi, son torse se retrouvant contre mon dos.

- Comment tu te sens...?

Je reste silencieux, essayant de retenir mes sanglots. Ses bras viennent me prendre contre lui et je finis par craquer. Je me retourne pour être face à lui et le serre le plus possible contre moi. Sa main vient caresser mes cheveux dans un geste tendre.

- Qu'est ce que tu as subi pour être dans cet état...?
- Elles m'ont rien fait...rien...à part me dire la vérité.
- Quelle vérité ?

Je sèche rapidement mes larmes en tentant de garder mon calme.

- Tu avais raison, Nakoa a tué ma mère. Elles m'ont montré la scène avec une potion de chez Fesmao.

Il reste un moment silencieux, surpris même si c'était lui qui avait eu cette théorie.

- Je...je suis désolé...
- Ce n'est pas tout, elle n'est pas ma sœur biologique. C'est une enchanteresse qu'elles ont échangées à la naissance contre ma vraie sœur, celle qu'elle a assassinée...

Ses yeux s'écarquillent comme s'il venait de réaliser.

- Tout s'explique...ses rendez vous avec la prisonnière, le fait qu'elle ait réussi à dompter les wyvernes...sa haine envers elles. Mais...et Faye ?
- Elle a sûrement tout découvert et elle l'a tué elle aussi...je pensais la connaître mais c'est qu'une tueuse...

Il me prend contre lui en caressant mon dos comme réconfort. Nous finissons par nous redresser pour rester assis sur le matelas.

- Et...je ne voulais pas te le dire mais c'est ton oncle qui a aidé les enchanteresses, il était amoureux de l'une d'entre elles...
- Wow..ca fait beaucoup d'un coup...
- Excuse moi...

Nous restons silencieux un moment avant qu'il ne me regarde.

- Cela veut dire...que c'est toi le dernier vrai héritier d'Eaduria, tu dois reprendre le trône.
- Je suis pas fait pour ça...
- Mais Nakoa ne le mérite pas ! Elle a trahi tout le monde, une telle personne ne peut pas être notre reine. Il faut que tu reprennes le rôle.
- Même si nous n'avons pas le même sang, cela reste ma sœur. Je voudrais lui parler avant.
- Je refuse de te laisser seul avec elle.
- Alors tu couvriras mes arrières.

Il prend ma main et vient la serrer doucement.

- Je serai toujours à tes côtés quoi que tu décides.
- Merci...

Il me sourit faiblement et ne voulant pas trouver le sommeil je me redresse pour me diriger vers la porte mais le brun me retient.

- Attends...juste au cas où.

Il me tend des protections pour les oreilles et je le regarde en hochant la tête avant de les mettre. Il a raison, vaut mieux être prudent.

Peu de temps après, je me rends dans la chambre de Nakoa mais celle-ci ne s'y trouve pas. Je marche longtemps dans les couloirs avant d'entendre un son d'épée se faisant aiguiser vers la salle du trône. Je m'y dirige et découvre la rousse, assise sur le siège de la reine en train d'affûter sa lame. Je déglutis faiblement en avançant, pour la première fois de ma vie j'ai peur d'elle et de ce qu'elle pourrait me faire.

- Toi non plus tu n'arrives pas à dormir ?

Dit-elle en arrêtant sa tâche.

- Je voulais te parler.
- Je t'écoute.
- Tu t'en doute sûrement. Mais je suis au courant, pour toi et notre mère.

Elle reste silencieuse un moment, regardant son reflet dans son arme avant de se lever.

- Que sais-tu exactement ?
- Les enchanteresses t'ont échangées à la naissance avec la vraie héritière. Tu l'as su à la deuxième attaque et tu as tué notre mère.

Son regard se fait perdu sur sa lame, laissant un temps de silence avant de répondre.

- Tu aurais vu comment elle m'a regardé ce jour-là. Comme si tout amour avait disparu, comme si ces vingt dernières années n'avaient jamais existé. Depuis que je suis enfant, on m'éduque pour ce rôle. "Tiens toi droite Nakoa", "Tu feras la fierté de ta famille Nakoa". Que des mots qu'elle prononçait pour que je trouve la torture plus douce.

Elle descend peu à peu les marches en tenant toujours l'épée dans sa main.

- J'étais battue lorsque je ne me tenais pas correctement, parfois on m'enfermait dans le cachot pour que j'apprenne la discipline. Tu le sais déjà mais tu ne te souviens sûrement pas de tout, tu étais trop jeune, mais Diana savait ce qu'on me faisait. Et elle trouvait ça normal, puisque c'est ma destinée.

Elle lâche un rire ironique à son dernier mot.

- Ma destinée...Alors tu aurais vu son visage lorsqu'elle a compris que toutes ces années avaient été gâchées. Après tout ce que j'ai vécu, je devrais renoncer à mon rôle ?
- Tu dois la vérité au peuple Nakoa. Eux seuls décideront de s'ils te veulent comme reine ou non. Et il faut cesser cette guerre inutile entre Sira et Eaduria.
- Tu parles comme si tu étais déjà le roi. Tu ne sais rien de ce rôle, comment pourrais-tu prendre ma place !
- Je ne veux pas du trône, je veux simplement que tu sois honnête ils méritent de savoir !

Elle reste silencieuse en me regardant puis murmure quelque chose que je n'entends pas. Je comprends qu'elle essaie de m'hypnotiser et c'est à cet instant que je réalise qu'elle n'est vraiment plus ma sœur.

- Tu essaie de prendre le contrôle de mon esprit...alors que je t'ai donné une chance de te rattraper...
- Me rattraper ?! Je n'ai RIEN à me faire pardonner ! Je suis la reine, c'est MA place !
- Et bien peut être que tu ne l'a mérite plus après ton comportement.

Ma phrase la met dans une telle colère qu'elle brandit son épée vers moi, par réflexe je me recule en voyant déjà celle-ci m'ôter la vie mais une flèche vient transpercer sa main la faisant lâcher son arme dans un cri de douleur. Agnar apparaît, arbalète à la main et accompagné des autres gardes et de Nathaniel.

- Arrêtez-la !

Après ces mots, les soldats attrapent la rousse qui se débat en hurlant. Agnar court vers moi en me tenant les mains.

- Tu n'as rien ?!
- Elle...Elle allait me tuer...

Mes paroles semblent lui faire prendre conscience à lui aussi de la situation. Celle qui a toujours pris soin de moi et qui me défendait corps et âme est devenue celle qui veut ma mort.