Chapitre 22

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Point de vue: Nakoa.

Depuis quelques jours je ne cesse de m'entraîner au langage des enchanteresses, j'ai pu comprendre quelques sorts et m'échauffe sans cobaye pour le moment. Je fais toujours en sorte d'être seule pour ne jamais me faire prendre, ce serait bête que ce soit moi qui ruine mes propres plans.

Cependant malgré nos nombreux livres certains enchantements restent impossible à déchiffrer. Avec le temps, nos récits se font sûrement vieux et manquent de détails. Mais heureusement nous avons gardé encore un atout majeur qui attend patiemment dans sa cellule. Je m'y rends donc, laissant dans ma chambre les affaires de sa défunte camarade. J'ai également pris le temps de lire la lettre qui se trouvait à l'intérieur, celle-ci étant destinée à la prisonnière au cas où quelque chose tournerait mal, ce qui fût le cas.

Lorsque j'approche de la cellule, la prisonnière ne daigne même pas lever la tête. Elle porte des marques de sa faim ainsi que celles laissées par les tortures passées. Je passe la porte pour me retrouver dans la même pièce qu'elle, m'agenouillant malgré ma robe pour être à sa hauteur.

  - J'ai besoin de ton aide de nouveau.

Son regard est froid et meurtrier mais sa bouche est toujours étouffée par le tissu que nous lui avions mit.

  - Une de tes amies, cousine, sœur ou autre, a tenté de te sauver il y a quelques jours.

Ses yeux se changent pour former une expression plus inquiète.

  - Malheureusement elle n'a pas réussi. Mais si tu m'aides je pourrais faire en sorte que vous soyez dans la même cellule. Qu'en dis-tu ? La solitude ne fait de bien à personne.

Elle marmonne, signe que je devais la libérer pour qu'elle s'exprime. Puis je lui retire le morceau de tissu.

  - Je t'écoute.
  - Vous n'avez aucune parole. Comment puis-je vous faire confiance ?
  - Et bien tu n'as pas vraiment le choix.
  - Je veux la voir avant.
  - Tu n'es pas en position de négocier.
  - A vrai dire si, puisque j'ai ce que vous voulez visiblement.

Je reste silencieuse un moment avant de me redresser. Mon mensonge ne tient pas la route visiblement.

  - Bien, puisque tu penses être plus maligne...

Je me saisis de la torche éclairant la pièce pour venir faire brûler une de ses jambes la faisant hurler bruyamment. Je retire ensuite la flamme de sa peau, laissant une grande cicatrice.

  - Maintenant nous pouvons discuter, je te donne les soins qu'il te faut en échange des informations que tu as, on a un accord ?
  - Vous êtes un monstre...
  - Regarde toi dans un miroir.

Elle vient cracher sur le sol, signe de son irrespect envers moi. Ce geste ne fait que m'énerver davantage et je tente de recommencer la torture avant qu'une main ne saisisse mon bras pour m'en empêcher. Je me tourne vers Faye qui semble dans un état difficile à cerner.

  - Arrête ça tout de suite.
  Dis-je fermement.
  - Mais qu'est ce qui te prend ?
  - Elle ne veut pas parler, j'utilise la manière forte.

Elle agrippe mon arme et la repose à sa place avant de me tirer avec elle sans que je puisse comprendre. Jamais auparavant elle n'avait osé me parler de la sorte en public.

- Tu vas enfin me dire ce qui t'arrive oui ?!
 
Elle ne répond pas et me pousse presque à l'intérieur de ma chambre avant de fermer brutalement les portes de celle-ci. Je réalise au livre ouvert ainsi qu'à la lettre que je suis dans une mauvaise posture.

  - Tu comprends maintenant ?!
  - Faye...je peux tout expliquer.
  - Je t'en prie, exprime toi. Et dis moi pourquoi cette lettre dit que tu n'es pas l'héritière d'Eaduria mais une enchanteresse ?! De plus avec ce livre que tu étudies mais qu'est ce qui t'arrive ?! C'est vrai tout ça ?!

Je n'ose plus lever les yeux vers elle en entendant sa voix tremblante. Je me dirige simplement vers le livre en le fermant et posant ma couronne sur sa couverture.

  - Je...oui. C'est vrai.

Elle reste silencieuse.

  - Le jour où nous nous sommes fait attaquer, l'enchanteresse qui avait atteint la chambre de la reine n'était pas venue pour nous tuer mais nous mettre en garde. Elle nous a révélé que je n'étais pas sa fille biologique, qu'elles m'avaient échangée avec l'héritière pour que leur peuple se retrouve au pouvoir d'Eaduria.
  - Si elle n'était venue que pour ça alors...
  - Je n'avais pas le choix, Diana m'a renié totalement après ces quelques mots ! Tu te rends compte ?! J'ai été élevée depuis ma naissance pour prendre le trône et tout m'était enlevé en une seconde !

Je me retourne vers elle pour lui faire face, les larmes dévalent son visage et elle semble totalement dévastée à mes aveux.

  - Tu..Tu as tué ta mère...
  - Elle ne me considérait plus comme sa fille, jamais je ne l'aurais fait si j'avais été acceptée comme j'étais. Je n'ai fait que me défendre ! Mais...j'ai regretté ensuite. Je te le jure, j'ai agi sous le choc de la révélation et la colère que ça m'a procuré d'être reniée par celle que je voyais comme ma mère.

Elle évite soudain mon regard, je m'avance vers elle en tenant ses mains dans les miennes pour la forcer à rester.

  - Faye je t'en prie, tu connais ma vie tu sais ce que j'ai enduré pour en arriver là. Je ne voulais pas que tout ça soit réduit à néant à cause des enchanteresses tu comprends ? Il ne faut pas que tu en parles, je t'en conjure.
  - Je...Je ne dirais rien...

Elle redresse les yeux vers moi, ceux-ci étant toujours baignés de larmes.

  - Je n'en parlerai à personne.
  - Merci...Merci je savais que je pouvais te faire confiance.

Je la prends soudainement dans mes bras, la serrant fortement contre ma poitrine. Les larmes me viennent également après cette étreinte. J'ai mit tellement d'efforts pour être découverte à cause d'une simple lettre. J'aurais dû la brûler quand j'en avais l'occasion. Maintenant Faye est au courant et cela me brise le cœur.

Car je ne peux pas laisser ce secret être dévoilé. Je saisis la dague sur mon meuble le plus proche et la poignarde directement dans le cœur, à travers son dos. Elle lâche un hoquet de surprise et je la serre d'autant plus contre moi. Les larmes continuent de couler le long de mon visage mais mes paupières restent fermées. Je ne peux voir le sien, je veux garder en mémoire ses yeux remplis d'innocences et d'affection envers moi. Son corps finit par rendre son dernier soupir avant de se laisser porter par le mien. Mon cœur se brise comme pour imiter le sien qui cesse de battre. Je garde son cadavre longtemps dans mes bras, comme pour renier ce qui venait de se passer.

Le temps de cacher mon acte quelques heures plus tard, l'heure du dîner est déjà là. Je rejoins Alaric en essayant de paraître neutre, ne voulant que crier intérieurement. Je sens malgré moi qu'il cherche Faye et je ne peux m'empêcher de parler.

  - Inutile de chercher Faye. Elle n'est plus là.
  - Où est-elle ?
  - Elle a décidé de quitter le royaume.

Eaduria TOME 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant