Point de vue: Alaric.
De nombreux bruits résonnent dans le jardin du château. Le chant des oiseaux, les branches qui se cassent sous les pattes des animaux. Mais c'est le son des épées claquant contre les autres qui se fait le plus entendre. Le premier chevalier brandit la sienne, faisant reculer le second qui peine à se défendre mais utilise son bouclier pour faire barrage. Les deux sont tout aussi entraînés mais l'un plus que l'autre. Le plus petit des deux ayant déjà l'avantage continu ses parades comme si son arme faisait partie de lui. Il désarme son adversaire qui finit par tomber, la lame de son ennemi se tenant au-dessus de sa gorge.
Cette scène reste gravée dans ma mémoire et j'en profite pour la peindre sur ma toile, installée spécialement pour moi non loin d'eux.
Le gagnant finit par ôter son casque, dévoilant la chevelure rousse et bouclée de Nakoa.
- Tu as encore perdu Agnar, je finis par croire que je devrais me défendre par moi même si on doit compter sur des gardes comme toi.
Le second lâche un rire avant de retirer également sa coiffe, faisant découvrir ses cheveux bruns et tout aussi rebelles et épais comparé aux miens beaucoup plus courts et clairs.
- C'est pour cela que je m'entraine avec vous princesse, je ne me sentirais digne de vous protéger que lorsque je vous battrais.
- Ça risque d'être long, je vais sûrement mourir de vieillesse avant.Les deux rient avant de ranger les armes, je reste concentré sur ma toile sans les perdre du regard. Captant les lumières de cet instant si précieux. Agnar s'approche de moi ce qui me fait sourire légèrement.
- Je peux voir ?
J'accepte par un hochement de tête et il observe un moment ma toile avant de me sourire.
- C'est magnifique.
- Merci...
- Assez de bavardage Agnar, le château ne va pas se défendre tout seul.Je lâche un léger rire avant de porter mon regard sur lui.
- Elle ne te laisse aucun répit.
- Ta sœur est sans pitié.
- Je sais, et encore tu ne l'as pas vu lorsqu'il ne reste plus de cerises, aller vas-y avant qu'elle ne vienne te chercher.Il m'offre un sourire avant de repartir avec son épée. Le combat reprend mais sans leurs casques cette fois-ci. On pourrait croire que c'est un désavantage pour Nakoa dû à sa longue chevelure qui bouge dans tous les sens à ses gestes mais elle ne semble pas y prêter attention. Tout semble trop facile pour elle. D'un coin de l'œil, j'aperçois notre mère faire son apparition. Ses mains sont liées entre elles sur le bas de son ventre, elle regarde la scène avec attention. Après un moment elle vient les encourager, ce qui ne fait que endurcir encore plus la rouquine qui n'a aucune pitié pour le jeune soldat. Encore une fois c'est elle qui l'emporte et je viens applaudir avec ma mère, sous les regards des autres gardes et des domestiques elle s'incline comme salut.
- Heureusement que notre princesse porte l'honneur d'Eaduria, ce n'est pas avec le fils qu'on sera protégé.
Mes applaudissements s'estompent en entendant les paroles d'un des soldats. Mais visiblement je ne suis pas le seul à les avoir entendu. Ma mère n'a pas le temps de bouger ses lèvres que l'épée de ma sœur se retrouve aux pieds de l'homme en question, le faisant sursauter.
- Viens donc te battre au lieu de parler sur ton prince mon bon ami, on verra bien si ta place de soldat est méritée, non ?
Le silence fait son règne et le concerné recule en baissant légèrement son corps comme révérence.
- Non excusez moi majesté...
- C'est bien ce qui me semblait.Elle s'avance pour récupérer son épée et adresse un regard meurtrier à l'effrayé.
- Présente tes excuses à ton prince.
- Veuillez m'excusez Alaric...
- Je préfère ça.Je détourne le regard, gêné que ce soit à ma grande sœur de prendre ma défense. Après un moment les voyeurs finissent par retourner à leurs tâches quotidiennes, notre mère s'approchant vers nous.
- Tu fais bien de faire respecter la royauté ma fille, je suis contente que vous puissiez compter l'un sur l'autre.
- C'est normal mère.
- J'aimerais que votre père soit là pour voir la fierté que vous nous faîtes.Son sourire se fait plus triste, ce qui est aussi le cas de Nakoa. Comparé à ma sœur de plus de deux ans que moi, je n'ai pas eu l'occasion de connaître notre père d'avantage. La maladie l'ayant emportée peu après ma naissance.
- Trêve de tristesse, Nakoa ma chère fille, ton cours de maintien va commencer.
- Bien j'arrive de suite.Elle m'adresse un salut de la main auquel je réponds de la même manière avant de les voir s'éloigner. J'observe Agnar ôter son armure avant de reporter mes yeux sur ma toile lorsqu'il se change entièrement. Il se dirige ensuite à mes côtés une fois ses habits revêtus.
- N'écoute pas ce que peuvent dire les autres Alaric, la bataille n'est pas faite pour tout le monde. Tu as bien d'autres talents.
- C'est gentil à toi, mais il n'a pas tort. Si nous venions à subir une attaque comme celle d'il y a vingt ans je ne serais d'aucune utilité.
- C'est pour cela que je suis là, je te protégerai moi.Mes joues produisent une douce chaleur à ses paroles. Nous connaissons Agnar depuis notre plus jeune âge, ses parents faisant partie de nos soldats il passait ses journées au château avec moi et ma grande sœur. Depuis petit, son rêve est de se battre à nos côtés. Comme l'a fait jadis son oncle, Thëis. Nakoa partageait avec lui leur passion pour le combat tandis que moi je me concentrais sur l'art. Ce qui me fera sûrement défaut.
- Je ne veux pas que tu risques ta vie pour moi.
- C'est pourtant mon rôle en tant que garde.
- Tu n'es qu'un apprenti pour le moment, ce n'est pas à toi de faire ça.
- La guerre ne se fera pas demain, laisse moi le temps de devenir ton protecteur particulier.Je lâche un léger rire nerveux face à son sourire. Ma main vient ensuite poser mon pinceau pour que je puisse observer mon œuvre.
- Tes peintures égayent les couloirs sinistres du château. Même si je préférais me voir dans une autre posture que sur le point de me faire tuer par ta sœur.
- J'en ai d'autres dans ma chambre.
- Ah bon ?
Je viens subitement cacher ma bouche avec ma main comme pour ravaler mes paroles mais le rire d'Agnar me fait comprendre qu'il est trop tard.- Il va falloir que tu me montres ses peintures.
- Jamais de la vie.
- S'il te plaît !
- Non, c'est...c'est ridicule.J'emporte avec moi ma nouvelle toile pour me diriger vers les portes de ma demeure mais le brun se place devant moi toujours avec ce sourire qui révèle une seule de ses fossettes, sur le côté droit de son visage.
- Je t'en prie, montre moi ces peintures.
- Très bien tu as gagné, mais si tu te moques je me vengerais.
- A vos ordres mon prince.Je lève mes yeux au ciel accompagné d'un sourire avant de passer les portes du château. Après avoir monter le premier étage nous nous rendons à ma chambre où je laisse plusieurs de mes peintures les plus intimes. Sur la plupart, je représente ma mère et Nakoa ainsi que Agnar. Celui-ci se met à regarder avec attention les toiles et pointe une qui n'avait rien à voir avec les précédentes.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Oh, je n'en sais rien. C'est une créature que je vois beaucoup dans mes rêves mais je n'en ai jamais vu de telle dans la vie réelle.
- On dirait que tu as rendu une fleur vivante à travers ton dessin, c'est magnifique. Sûrement ton protecteur.
- Que veux-tu dire ?
- Ma grand-mère me racontait souvent que dans ce monde, se trouvent des gardiens. Des êtres qui nous semblent invisibles mais qui sont bien présents pour nous apporter chance ou nous guider. Qui sait ? Tu as peut-être une de ces créatures près de toi.
- Si tu le dis.En réalité, je fais souvent des rêves sur ce genre de spécimens. Bien que ceux-ci ne me fassent jamais de mal, je doute qu'ils me guident vers quoi que ce soit. Il reste à admirer avec ses yeux noisettes le reste de mes peintures comme si j'étais un grand artiste, ce qui je dois l'admettre, me touche. Son regard se porte ensuite sur un de mes tableaux, le seul étant une représentation d'une partie de mon corps. Mes yeux aux couleurs de l'océan auquel je m'étais amusé à dessiner des vagues à l'intérieur, pour faire rappel à la couleur de mes pupilles. Il semble comme noyé dans cette peinture, ce qui me fait rougir d'avantage.

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Eaduria TOME 1
FantasyLe royaume d'Eaduria est un monde prospère, rempli de créatures fantastiques et gouverné par une famille royale humble et juste. Du moins, c'était le cas avant que les enchanteresses se redressent contre eux. Ces femmes à la voix hypnotique devront...