Eaduria TOME 1

Chapitre 49

Point de vue: Alaric.

Nos deux armes sont toutes les deux levées, ma seule motivation est les gémissements de douleur d'Agnar encore sous la créature. Le regard de Nakoa est froid, déterminé. Quant à moi, je dois transpirer la peur à plein nez. Je sais que j'ai peu de chance de m'en sortir, le seul moyen de survivre est d'être plus malin qu'elle, plus rapide et de ne pas hésiter à la tuer.

  - Nakoa je t'en supplie...arrêtons cette guerre entre nous c'est ridicule.
  - Tu dis ça parce que tu es roi. Tu jouais l'indifférent mais ce poste te plait bien c'est ça ?
  - Pas du tout...je tiens à toi c'est tout, je ne veux pas te tuer...

Elle lâche un rire ironique avant de reprendre un visage dur et froid.

  - Comme si tu pouvais me vaincre.

Suite à ses mots, elle fonce sur moi et je pare difficilement son attaque. Un seul contact avec sa lame et s'en est fini de moi. Je mets toutes mes forces dans mes bras pour la repousser fortement et la faire reculer.

  - Tu es ma sœur je t'en prie arrête !
  - Je n'ai JAMAIS été ta sœur !

Elle m'attaque une nouvelle fois et j'arrive à détourner sa lame sur le côté de nos corps avant d'essayer de lui donner un coup de pied mais celle-ci prend le dessus sur moi, le faisant avant que j'en ai eu l'occasion.

  - Tout ce qui m'intéresse c'est le trône, je me fiche de tes états d'âme. Tu n'as jamais été éduqué pour ce rôle, tu ne sais pas ce que ça fait d'être élevé pour devenir souverain !
  - Je ne veux pas de cette place...Tout ce que je veux c'est toi.

Ses attaques reprennent tout de suite après ma phrase, j'arrive à me défendre mais la fatigue commence à prendre le dessus sur moi.

  - Tu n'es qu'un piètre menteur !
  - Non je veux juste retrouver ma vie d'avant !

Soudainement, un de ses coups me fait lâcher mon épée tandis qu'un autre m'envoie à terre. Je me retrouve allongé, sa lame pointant vers ma gorge.

  - Plus rien ne sera comme avant Alaric.

À cet instant, nos regards se croisent. Tandis que je reflète la peur et la tristesse, elle ne semble éprouver aucune empathie envers moi. C'est donc vrai, elle est bien décidée à me tuer. C'était sûrement stupide de ma part de croire qu'une infime partie d'elle tenait encore à moi. Elle redresse son arme pour m'abattre mais je me roule sur l'herbe pour esquiver avant de reprendre la mienne et de me remettre debout pour me défendre. Cette fois j'ai compris et je n'aurais moi non plus aucune pitié. Le combat reprend, elle s'acharne sur moi mais je fais preuve d'une grande concentration pour parer ses coups et tenter de la toucher, en vain. Pendant un moment où nos visages sont proches et nos corps séparés que par nos épées s'entre-choquantes, elle commence à murmurer mais j'avais préalablement enfilé nos nouvelles protections, l'empêchant d'atteindre son but.

Son visage se remplit de rage lorsqu'elle comprit et me pousse violemment avant d'un coup sec balancer mon épée loin de nous. Me retrouvant sans défense, je saisis le sac de poudre dans ma poche avant de lui lancer en plein visage. Le tissu explose pour laisser la poussière envahir ses voies respiratoires, la faisant tousser brusquement. Je profite du moment de surprise pour donner un coup de pied sur sa main autrefois blessée tenant le manche, la faisant lâcher son arme pour la lui reprendre. Lorsqu'elle comprend ce que je venais de faire, elle recule pour prendre ma lame qu'elle avait éloignée plus tôt. Même si Nakoa use de toutes ses forces pour tenir, je la sens en difficulté sûrement dû à la plante toxique qu'elle venait de respirer. Mais cela ne l'empêche pas de m'attaquer de nouveau, toujours aussi enragée. Comparé au début, elle peine à m'atteindre et j'arrive cette fois à devenir plus agressif plutôt qu'être sur la défensive. Frustrée par cette baisse de niveau, l'ancienne reine tente une nouvelle fois de m'atteindre cette fois-ci par le haut. Je tourne sur moi même tout en balayant mon épée pour la repousser et esquiver.

Soudainement, elle s'arrête de bouger. Je me tourne vers elle sans comprendre, ne voyant que son dos. Nakoa se retourne ensuite doucement vers moi et je réalise que l'épée venait de la toucher au ventre. Avec son armure en cuir, cela a atténué les dégâts ne faisant qu'une légère plaie inoffensive.
Du moins, avant que je me souvienne que nos armes étaient échangées.

  - Non...non non non !

Dis-je en ayant les larmes qui se ruent au bord de mes yeux. Sa main lâche l'épée avant qu'elle s'effondre sur le sol. Le calme revient soudainement autour de nous, chacune des créatures fuyant le combat et les villageois se demandant ce qu'ils leur étaient arrivés. Ma main abandonne l'objet du crime tandis que mon corps court pour s'agenouiller au chevet de Nakoa.

  - C'est...c'est rien c'est qu'une égratignure tu...tu vas t'en sortir !

Sa respiration se fait lente, comme si elle était bouchée. Sa main vient agripper la mienne dans un geste tendre.

  - Félicitations Alaric, tu as gagné.

Je ne peux retenir les larmes qui dévalent mes joues avant de s'écraser sur sa poitrine. Je serre notre prise pendant que Agnar s'avance lentement vers nous.

  - Je ne veux pas que tu meurs...pardon je suis tellement désolé Nakoa...pardonne moi je t'en conjure je veux pas que tu partes, me laisse pas...
  - Tu n'avais pas d'autres choix...sois...sois un bon roi, mon frère.

Mon cœur se brise en entendant sa voix se faire plus faible. Et ses yeux se ferment. Sa respiration cesse ainsi que les battements soulevant sa poitrine. Elle ne serre plus ma main.

  - Nakoa ! ME LAISSE PAS !

Je hurle à m'en faire mal, j'ai l'impression d'être brisé. Agnar s'abaisse à ma hauteur et vient tenir mes épaules pour me serrer contre lui. La peine que je ressens est telle que j'ai l'impression de mourir moi aussi.

  - Alaric...il faut te relever.
  - Non ! Non je ne veux pas, je ne la laisse pas je reste là...
  - S'il te plaît..
  - Je veux pas ! Je ne peux pas la perdre...

Il me prend contre lui, me laissant inonder sa tenue. Par cette étreinte il me force à me remettre débout en prenant au passage l'épée tandis que les soldats viennent prendre le corps inanimé de Nakoa.

Lorsque mon corps n'a plus assez de larmes, il se tait simplement. Face aux gardes remettant de l'ordre dans le château qui avait été dévasté. Quant à moi je reste assis sur les marches devant les sièges royaux, Agnar n'a pas lâché ma main et surveille le moindre geste que je pourrais faire mais je reste immobile. Nathaniel finit par faire son entrée, l'air fier.

  - Nous avons gagné mon roi, vous avez sauvé Eaduria de la menace !

Mon cœur se serre tandis que je peux sentir le regard meurtrier d'Agnar envers le rouquin.

  - Hum, avez vous des ordres ?

Je reste la tête baissée, les yeux rivés sur l'arme que je tenais de ma main libre. Le sang de ma sœur se trouvant encore dessus.

  - Je veux qu'on détruise cette lame.
  - Pardon ?!
  - Tu n'as pas bien entendu ? Retire donc les bouchons car ils ne servent plus à rien. Je veux qu'on détruise cette épée.
  - Mais c'est notre meilleur plan contre une future invasion ! On ne peut pas se passer d'une telle arme !

Cette fois, je redresse les yeux vers lui et son regard apeuré me fait comprendre que je suis assez menaçant.

  - Détruis-moi cette épée, dernière fois que je te le dis.
  - Bien majesté...

Je lui tends ensuite avant qu'il ne disparaisse. Le brun caresse le dos de ma main de son pouce en gardant son regard sur moi.

  - Tu as besoin de quelque chose ?
  - Non.

Je me redresse en séparant notre contact, m'avançant vers ma couronne soigneusement gardée dans une cage en verre. Je me retrouve être le dernier survivant de la famille royale d'Eaduria. J'ai perdu mon père sans le connaitre, ma mère puis ma sœur biologique avant Nakoa. Je ne saurais décrire le vide immense qui prend place dans mon cœur.

Dorénavant, plus rien ne peut me sauver du rôle de roi. Je me retrouve enchaîné à une vie que je n'ai jamais voulu, une vie auquelle je me suis jamais préparé. Seuls les derniers mots de l'ancienne reine tournent en boucle dans ma tête

"Sois un bon roi, mon frère"

Chapitre bonus ---->
Publication demain :)