Eaduria TOME 1

Chapitre 24

Point de vue: Nakoa.

Mes pas se font bruyants et déterminés jusqu'à la cellule de la prisonnière. Elle redresse vaguement la tête et se met à avoir une expression qu'elle n'avait pas avant. Je lui retire le tissu de la bouche en restant devant elle, je remarque qu'elle est en train de rire.

- Je peux savoir ce qui te fait rire ?
- Je ne pensais pas que vous seriez là après la scène de la dernière fois. Alors comme ça une domestique a du pouvoir sur la fameuse reine Nakoa ?

Je reste silencieuse et le visage fermé. Rien que de penser au fait que Faye ne soit plus parmis nous me brise intérieurement. Tout ça c'est la faute des enchanteresses. Je balance le carnet récupéré plus tôt dans ma bibliothèque, celui contenant leurs sorts. Elle me regarde avec perplexité et j'ordonne aux soldats de quitter la pièce. Lorsque c'est le cas, je saisis une chaise pour m'asseoir devant elle.

- Je veux que tu m'apprennes les sortilèges.

Elle rit faiblement, marmonnant dans sa barbe inexistante.

- Il va falloir parler plus fort, et si tu cherches à m'hypnotiser c'est peine perdu vu que je suis immunisée.
- Pourquoi je vous aiderai ?
- Tu connais mes origines, si tu m'aides je pourrais faire en sorte que ta vie soit plus confortable ici.
- Mais je serais toujours prisonnière.
- On a rien sans rien, peut-être qu'un jour tu obtiendras ta liberté.
- Et ça vous fait rien de savoir que vous êtes l'une des nôtres ?
- A part du dégoût ? Nan pas grand chose.

Elle lâche un rire ironique.

- Dis celle qui a tué sa propre sœur.
- Ce n'était pas ma sœur. Une intruse chez moi c'est tout ce que c'était.
- Vous n'avez jamais senti de différence chez vous ? Que vous n'étiez pas à votre place ?

Cette fois c'est à moi de le prendre sur le ton de l'humour.

- Tu cherches à me rallier à ton peuple ? Je ne suis pas une habitante de Sira. J'ai été élevée à Eaduria, éduquée comme Nakoa la future reine du royaume. Jamais je ne me joindrais à la sous race que vous êtes.

Je me redresse brusquement avant de ramasser le carnet devant elle.

- Bien, je prends donc ton silence pour un refus. Je suppose que te laisser mourir ici est idéal. Je n'avais pas envie de me salir les mains aujourd'hui de toutes manières.

Je me dirige ensuite vers la sortie.

- Attendez !

Je m'arrête, cachant mon sourire triomphant.

- Je vais vous aider. Mais pourquoi voulez-vous savoir ça si vous ne vous considérez pas comme une enchanteresse ?

Je me retourne de nouveau pour être face à elle, reprenant ma place sur la chaise.

- Il faut bien se servir de ses atouts, surtout lorsqu'on dirige un royaume.
- Donc vous pensez qu'en une séance vous allez conquérir les autres territoires comme si aucune d'entre nous n'avez essayé ?
- En parlant de ça je me suis toujours demandé pourquoi vous ne l'avez pas fait.
- Nous ne sommes pas des conquérantes. Tout ce qu'on voulait c'était vivre notre vie jusqu'à ce que vos parents ruinent tout avec les souverains de Terasmus. Certaines voulaient se venger mais il est bien plus difficile qu'on ne le croit d'utiliser notre don. Surtout qu'atteindre les rois et reines sans se faire repérer n'est pas chose facile.

J'écoute attentivement son récit en ne bougeant pas de mon siège.

- Je ne cherche pas à régner sur les autres royaumes. Je veux juste donner le meilleur au mien tout en le protégeant de vous.
- Quand ils sauront pour vos origines, ils se retourneront contre vous. Vous aurez beau les sauver, les protéger et leur donner milles et une merveilles. Personne ne sera là quand il le faudra. Car c'est ainsi que fonctionnent les humains. Ils détruisent tout pour leur bon plaisir.

Sa haine est justifiée, je comprends que mes parents ont attiré la rancœur des enchanteresses après leurs actes. Mais elles ont fait naître la mienne en m'échangeant comme un vulgaire objet.

- Assez parlé, tu disais pouvoir m'apprendre alors dis moi.

Elle soupire longuement et regarde le carnet dans mes mains.

- J'aurais quoi en échange de cette séance ?
- Après aujourd'hui disons à boire et à manger, quelque chose de correct plutôt. Après nous pourrons te faire faire une chambre, nous envisagerons tout ça plus tard.

Elle semble hésiter avant de soupirer.

- Très bien, qu'est ce qui vous faut ?
- Je veux forcer quelqu'un à me dire la vérité.

Elle me fait signe d'ouvrir le livre, ce que je fais avant qu'elle commence à me faire un cours sur les différents sorts. Grâce à ce que j'ai appris de mon côté, je peux savoir si elle tente de me mentir ou non. Et elle n'en fait rien. Je lui pose différentes questions, dont l'une étant de savoir si les autres créatures étaient également sensibles à leurs dons. Les insectes sont immunisés tandis que les animaux plus gros sont aussi sensibles que nous à leurs murmures. C'est une information intéressante.
Après un moment nous finissons par couper court à la leçon, comme promis j'ordonne à ce qu'on lui serve de quoi se restaurer convenablement avant de quitter la cellule pour aller ranger le carnet à sa place. Maintenant que nous avons un accord, je ne peux me permettre que Alaric aille la voir. Je dois donc informer mes gardes de ne laisser personne d'autres que moi m'y rendre.

Maintenant que je commence à apprendre leurs méthodes, il me sera facile d'obtenir ce que je souhaite. Il me reste plus qu'à trouver un moyen d'exterminer leur race entière afin de ne plus entendre parler d'elles.

Et j'ai exactement la personne qu'il me faut pour cela. Une femme isolée, fuit par les habitants de tout les royaumes effrayés par ses prédictions. Je ne l'ai vu qu'une fois, et pourtant le souvenir de cette rencontre est revenu en moi il y a peu. Je n'étais qu'une enfant à l'époque mais nous étions à un bal donné par les souverains d'Epiniel pour fêter les fiançailles d'une de mes tantes. Cette femme était présente, vêtue pauvrement et n'a posé les yeux que sur moi. Chacunes des personnes vivant dans ce monde la traitait de folle car elle disait voir des choses, entendre ou même sentir ce que nous ne pouvions pas. Lorsqu'elle s'est approchée de moi, elle m'a dit cette phrase qui ne me paraissait pas intéressante à l'époque.

《Tu n'es pas celle que tu crois, la vérité basculera ta vie》

Maintenant que je sais qu'elle n'est pas victime de déviance, je compte bien utiliser ses dons à mon profit.