Eaduria TOME 1

Chapitre 40

Point de vue: Nakoa.

Peu après le massacre des enchanteresses, j'ai relâché tous les villageois qui avaient survécu avant de m'enfuir. La cape m'aide à passer inaperçu à travers les villages ce qui me permet de me restaurer pendant ma cavale.

Lors d'une journée tranquille, je me rends au village le plus proche pour voler quelques fruits. J'aperçois avec stupeur mon visage dessiné sur des affiches accrochées partout sur les murs des habitations. Je suis désormais recherchée même par les citoyens, après tout ce que j'ai fait ils me tournent le dos et ne me laissent même pas fuir en paix. Je les ai libérés de nos ennemis et c'est ainsi qu'on me remercie ?! Des infidèles, c'est tout ce que je vois.

Ce n'est même pas à Alaric de régner, il n'a jamais été éduqué pour ! Il va faire sombrer Eaduria jusqu'à sa perte ! C'est moi et uniquement moi qui devrait donner les ordres dans ce palais. Après tout ce n'est pas grâce à lui que les enchanteresses ne peuvent plus les attaquer.

Quand j'y pense, s'il arrive quelque chose au roi, il ne restera plus personne pour régner. Ils auront forcément besoin de quelqu'un ayant été formé pour ça et pas question de demander aux autres royaumes de diriger un peuple qu'ils ne connaissent pas. Ils feront forcément appel à moi. Mais ai-je vraiment le courage de m'en prendre à lui ? Certes il m'a renié comme notre mère, et j'ai tenté de le blesser la dernière fois. Mais un sentiment au fond de moi m'empêche de lui faire du mal, lorsque je vois son visage je ne peux retenir les souvenirs que nous avons en communs. Nous étions si proches avant que tout cela ne se passe...

Je quitte le village pour m'introduire dans la forêt, mes pas se font lourds et je marmonne lorsque ma cape se prend dans les ronces présentent au sol. Je rumine en essayant de trouver un moyen de m'en sortir, mais la pensée intrusive d'Alaric ne pouvant plus gouverner revient sans cesse. J'ai déjà assassiné Diana et Faye, pourquoi je ne pourrais pas faire de même pour lui ? Qu'est ce qui me retient si fermement sur cette décision ?

Dans ma marche je me dirige vers une pierre taillée de l'initiale F, je m'assois à côté en commençant à boire une des boissons volées plus tôt. C'est une façon à moi de continuer à parler à ma dame de compagnie, même si son cadavre en dessous de la terre ne peut pas me répondre.

  - Bonjour Faye, c'est encore moi. Tu dois sûrement en avoir marre que je vienne aussi souvent mais tu es la seule personne qu'il me reste. Enfin, façon de parler.

Je prends une gorgée et ôte ma capuche pour respirer plus profondément.

  - Si tu savais à quel point je regrette. Tu me manques terriblement. Tu étais la seule à me comprendre et j'ai tout gâché. J'aurais dû te garder et trouver un moyen avec mes pouvoirs de te faire garder le silence. Au cas où tu voudrais me trahir. Au final je ne saurais jamais si tu me mentais ou non. Et en plus ta mort aura été inutile puisque tout le royaume est au courant maintenant.

Je reste silencieuse en buvant un moment avant de reprendre.

  - Tu sais, je n'ai jamais rien eu contre toi. Tu as toujours été ma confidente, mon amie et...enfin bref. Après Alaric tu étais sûrement la personne que j'aimais le plus ici. Mais quand tu as su...j'ai eu tellement peur. Je voulais me protéger, je pensais que je t'avais déjà perdue et je ne pouvais pas voir une trahison de ta part. Ça m'aurait fait trop mal. Mais si on me donnait une nouvelle chance, j'aurais fait différemment.

Je soupire longuement et laisse mon corps se reposer contre le tronc d'un arbre en observant les feuilles des arbres au-dessus de ma tête.

Il faut que je réfléchisse à ce que je vais faire de ma vie désormais. Trouver une cachette est la priorité, quelque chose de discret et qu'on ne penserait pas me trouver là bas. Il me faut du repos de toute urgence je n'ai dormi qu'à peine quelques heures en plusieurs jours. L'ancienne base des enchanteresses me parait une bonne idée mais étant donné qu'ils la connaissent ce n'est sûrement pas la solution. Peut-être la grotte où j'ai trouvé l'épée, c'est assez loin du royaume mais au moins je pourrais être tranquille.
Je me trouve tellement pathétique. J'étais reine et me voilà à réfléchir à un moyen de vivre sans que je me fasse arrêter. Si c'est ainsi que je dois faire ma vie jusqu'à ma mort je ne peux tout simplement pas. Il y a forcément une solution. 

Je semble entendre une voix, plutôt féminine. Me murmurer à l'oreille. Me dire que je connais déjà la réponse. Que c'est la seule solution. Je me redresse brusquement en redressant mon arme et tente de voir d'où viennent les voix, je regarde aux alentours mais personne ne semble être ici avec moi. Pendant un instant je me demande réellement si le fantôme de Faye essaie de m'encourager à tuer mon propre frère, mais la connaissant elle ne m'aurait jamais dit ça. Pourtant cette voix reprend et semble accompagnée de plusieurs comme elles. Me disant toutes qu'il n'y a pas d'autre choix, que Alaric ne mérite pas son poste. Que Eaduria courra à sa perte sans moi. Plus elles insistent et plus je finis par y croire. Les souvenirs communs avec le prince se font remplacer par son regard lorsqu'il m'a parlé, tout comme celui de Diana quand elle a appris pour moi.

Après tout, il disait ne pas vouloir du trône. Il ne pourra jamais être heureux à ce poste puisqu'il est amoureux d'un homme qui n'est même pas de famille royale. Autant lui rendre service et lui épargner ce fardeau, non ?

Je finis par serrer le manche de mon arme avant de remettre ma capuche pour m'enfoncer entre les arbres. C'est donc décidé.

Je reprendrais le royaume, même si je dois tuer Alaric.