Chapitre 6

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Point de vue: Nakoa.

C'est un choc pour tout le peuple d'Eaduria. Leur reine Diana, est morte pendant l'attaque des enchanteresses.

Pendant deux jours, ce fût le calme total dans le château et les villages. Tout le monde semblait vouloir honorer sa mémoire par le silence. Ce qui n'était pas pour me déplaire. Je ne veux parler à personne, pas même à Alaric.

Aujourd'hui, je me retrouve entre les mains de Faye qui me coiffe avec délicatesse. Elle non plus je ne lui ai pas adressé un mot depuis le drame. Cela ne l'empêche pas de me parler quand même lorsqu'elle s'occupe de moi. Surtout pour un jour comme celui-ci ou nous sommes tous habillés de noir, pour la veillée de la reine.

- Je pourrais te faire un chignon, qu'en penses-tu ?

Je réponds en hochant négativement la tête, ma mère aimait mes cheveux détachés, je ne veux pas avoir l'air d'une autre quand je lui ferai mes adieux. Elle semble me comprendre et termine ensuite en posant la brosse sur la coiffeuse en face de moi.

- Je sais que mes mots ne t'apaiserons pas, mais sache que je suis là pour toi.

Sa main se pose sur mon épaule et je ne peux que mettre la mienne sur la sienne. L'air de rien son soutien m'aide un peu. Des coups donnés sur la porte nous interrompent soudainement et je fais signe à Faye d'aller ouvrir. Alaric était également prêt, vêtu d'une tenue noire lui aussi.

- Je...je me disais qu'on pouvait y aller en même temps, ensemble.

Je ne réponds pas mais acquiesce d'un signe de tête. Il s'approche de moi et pour une fois, dû au fait que je sois assise et lui non, il semble plus grand.

- On va se soutenir Nakoa, toi et moi. Je te lâcherai jamais d'accord ?

Ses mots me font monter les larmes aux yeux, je viens seulement prendre sa main dans la mienne pour qu'il comprenne que mon silence n'est pas contre lui. Après ce moment, le conseiller Nathaniel vient nous avertir que c'est l'heure. Je me redresse à ses mots et tente de garder la tête haute comme on me l'a si bien appris. Nous descendons les marches lentement jusqu'à tomber sur Agnar, nous regardant avec empathie. Il pose sa main sur mon bras en guise de soutien.

- Diana m'était chère à moi aussi. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis là.

Je hoche simplement la tête et nous partons tous ensemble vers le lieu de recueillement du village le plus proche. La tradition veut qu'on traverse la forêt la plus courte à cheval, ce qui n'est pas chose facile dû à la robe immense qu'on m'a attribuée. Une fois arrivés, les villageois arrêtent leurs activités pour nous faire leur révérence, en signe de respect. Le corps de ma mère est transporté dans un cercueil en bois, dans le lieu où nous serons tous réunis. Sur les premiers bancs, là où est notre place, se trouvent uniquement les proches. Ensuite viennent les soldats les plus anciens et les villageois qui attendent pour leurs places depuis la première heure.

Même pendant les discours, je semble comme perdue entre la réalité et mes rêves. Comme si je pouvais me réveiller à tout instant, seule la main d'Alaric serrant fortement la mienne me fait tenir. Lorsque le silence est enfin présent, on s'approche de moi.

- Princesse, voulez-vous dire quelques mots ?

Je redresse la tête, ma réponse est clairement non mais le peuple entier me regarde. Pour quelle fille et quelle princesse je passerais si je ne disais rien ? Je me redresse donc en relâchant à contre cœur la main de mon frère pour me diriger vers l'estrade. Le cercueil est en face de moi, tout comme les yeux du peuple me fixant. Même si je voulais dire quelque chose, mes mots restent bloqués dans ma gorge. Je suis en train de me ridiculiser, impossible de parler.
Soudainement, un des soldats se lève. C'est un des plus anciens et des plus expérimentés. Il s'avance vers le cercueil et s'arrête ensuite, également face à moi. Je ne comprends pas bien ce qu'il veut puis il pose un genou à terre tandis que son autre jambe se plie. Il baisse la tête ensuite, il vient de s'agenouiller devant moi.

Dans notre culture, ce geste à plusieurs significations. Dans un premier temps, il montre la soumission de la personne pour l'être devant lui. Mais dans un cas comme celui-ci, c'est un signe de respect et de loyauté. Après lui, tout le peuple se mit à faire le même geste face à moi. Sauf Alaric dû à sa position royale qui lui interdit. Ils m'accordent tous leur soutien, leur respect malgré que je sois incapable de sortir un seul mot devant eux. Ce moment me touche et me vole une larme que je n'arrive à retenir.

Après quelques minutes, je finis par céder ma place pour qu'on passe au recueillement. Le cercueil est ensuite porté par les soldats pour être déposé dans le fleuve du village, guidant celui-ci jusqu'à l'océan. On dit que l'eau a de la mémoire, que grâce à elle nos défunts continuent de vivre à travers nos souvenirs. J'espère que c'est le cas.

La marche en silence jusqu'au château se fait longue, les villageois sont retournés dans leurs habitations. Quant à moi, je ne laisse pas le conseiller ou qui que ce soit me parler du couronnement, je me dirige directement dans ma chambre avec pour seule compagnie Faye. Mais lorsque je passe les portes, une rage m'envahit. Je repense à la scène et à tout ce que les enchanteresses ont pu me prendre. Sans contrôler ma colère je saisis les objets les plus proches pour les jeter contre le mur, laissant s'échapper un cri de colère. Voyant dans quel état je suis, Faye prend son courage pour venir m'entourer de ses bras, m'empêchant de saisir autre chose. Je hurle et me débats de toutes mes forces avant de m'effondrer sur le sol, les larmes reprenant leur place. Mes bras finissent par l'entourer également et son étreinte se fait plus serrée.

- Je suis là, Nakoa...Tu n'es pas seule.

La chaleur de son corps me réconforte, aujourd'hui je viens de dire adieu à ma mère. Moi qui étais pressée de devenir reine, jamais je n'aurais pensé que cela arriverait si vite. Depuis ma naissance je suis destinée à prendre le règne du royaume, et voilà que tout me semble confus. Sa main vient délicatement caresser mes cheveux tandis que j'essaie de me concentrer sur les battements de son cœur. Juste aujourd'hui, je me laisserai aller. Je pleurerais dans les bras de Faye jusqu'à tard s'il le faut.

Après ça, je ne laisserais que la colère m'envahir.

Eaduria TOME 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant