Point de vue: Alaric.
Le grand jour est arrivé. Mes mains sont moites et je peux sentir mon cœur battre à toute vitesse. J'entends déjà les habitants s'installer dans la salle ce qui me fait angoisser davantage. Agnar s'avance vêtu de l'armure officielle d'Eaduria et vient poser sa main sur mon bras.
- Tout va bien se passer. Ne t'inquiète pas.
- Elle est dans la salle..c'est sûr, elle va essayer de me tuer.
- Personne ici ne la laissera faire. Je ne mettrais jamais ta vie en danger.
- Elle pourrait tirer une flèche, cela m'atteindra avant que vous soyez là pour me défendre.Il appuie fermement sur mon torse avec son poing.
- Tu sens quelque chose ?
- Pas vraiment.
- C'est à ça que sert ton veston, les tenues de couronnement sont toujours faites pour vous protéger. Cela te blessera peut-être mais ça ne te tuera pas.
- Elle pourrait viser ma tête...Il redresse mon menton avec ses doigts me forçant à le regarder.
- Personne ne te fera du mal, tu as compris ? Ça va bien se passer, et il ne va rien t'arriver.
- Si tu le dis...Je louche un moment sur ses lèvres avant de me tourner vers la salle que je peux apercevoir à travers la légère ouverture des rideaux. Nathaniel disait qu'il n'y aurait pas grand monde dû à l'annonce tardive mais il avait tout faux. Il y a beaucoup plus de personnes que prévu et rien que le fait de m'imaginer devant eux me provoque une douleur au niveau du ventre. Ma respiration semble se couper brusquement et je peine à garder mon calme.
- Alaric qu'est ce que tu as ?!
- Je...j'ai du mal..à...respirer...Mes jambes me lâchent et Agnar me retient en me faisant lentement asseoir sur le sol contre le mur. Il pose sa main sous ma veste pour toucher ma peau et prend la mienne pour la mettre sur son propre torse.
- Concentre toi sur ma respiration, fais la même chose que moi.
J'essaie de garder ma concentration sur lui et son souffle. Le mouvement de sa poitrine à chaque expiration et inspiration m'aide peu à peu à calmer ma crise. Je finis par retrouver un rythme normal et redresse les yeux vers lui en gardant ma main sur son torse.
- Comment tu savais ce qu'il fallait faire pour me calmer ?
- Ma mère faisait souvent des crises d'angoisses quand Thëis est mort. Je suppose que c'est resté. Quand je pense qu'elle s'est mise dans un tel état pour un traître…C'est à son tour de baisser les yeux et ma main libre vient caresser la sienne encore contre ma peau.
- Tu n'es pas obligé de lui dire. Ton oncle était amoureux et mes parents n'étaient pas non plus blancs comme neige dans cette histoire. Ne te torture pas l'esprit avec ça.
- Et tu crois encore que tu feras un mauvais roi avec un cœur comme le tient ?Je souris faiblement et il s'approche lentement pour joindre nos lèvres mais le raclement de gorge du conseiller nous interrompt.
- Il est l'heure votre majesté.
J'acquiesce faiblement d'un signe de tête avant de me faire aider par mon amant pour me redresser. Il m'offre un sourire avant d'aller se mettre à son poste. Nathaniel s'approche de moi en remettant en place la veste de ma tenue aux couleurs du royaume. Ma broche venant de mon père se voyant sur celle-ci.
- C'est pour le bien d'Eaduria que je vous dis cela, mais vous savez que votre idylle avec Agnar ne pourra pas continuer ? Vous devrez trouver une princesse pour enfanter et donner un héritier pour le peuple. C'est dans votre devoir de cesser cette liaison.
Je reste silencieux, sachant déjà qu'il avait raison. Mais il est impensable pour moi de me séparer de lui alors que nous venons à peine de nous avouer nos sentiments réciproques. Après ses mots, il relâche mes vêtements et vient tirer les rideaux pour me dévoiler au peuple. Celui-ci est radicalement calme, et j'observe méticuleusement la foule en tentant de trouver une chevelure rousse mais en vain. La cérémonie commence par les joueurs de musique et ils se mettent tous à se lever, me laissant marcher jusqu'aux sièges royaux. Le conseiller m'attends, se faisant droit devant moi et semblant plus grand que moi dû aux marches.
- Cher peuple d'Eaduria. J'ai l'honneur de passer la succession du trône au dernier héritier de la famille royale. Le prince Alaric.
Il se tourne pour prendre la couronne de mon père, plus grande en hauteur mais moins scintillante que celle de Nakoa. Et la positionne au-dessus de moi pendant que je baisse la tête.
- Prince Alaric, jurez vous de protéger le peuple d'Eaduria, de mener d'une main de fer les soldats de ce château. Et de faire prospérer notre royaume.
La dernière fois que j'ai entendu ces phrases, c'était pour elle. Je ne vois qu'elle à chaque instant. Je m'attends à ce que sa voix se fasse entendre comme pour manifester sa colère mais c'est un calme plat qui fait surface.
- Je le jure...
- Car dorénavant, je vous nommes vous, Alaric. Roi d'Eaduria.Il pose ensuite la couronne sur mes cheveux avant que je me redresse pour m'asseoir dans ce qui fût le trône de Nakoa et de faire face au peuple. Personne ne dit rien, seule la musique se fait entendre. C'est lourd et pesant que j'essaie de garder la tête haute devant cette scène humiliante. Après un moment chacun des habitants rentre dans son village et je laisse mon stress s'échapper dans un grand soupir.
- Mon roi, il est temps de donner votre premier ordre concernant Nakoa et les enchanteresses.
Me dit Nathaniel.
- Ce que je veux c'est la paix. Nous avons eu assez de perte comme ça. Quand nous aurons Nakoa nous l'emprisonnerons pour ses crimes.
- Je ne suis pas sûr que cela soit suffis...Un villageois entre subitement dans le château, recouvert de sang sur ses vêtements et l'air affolé. Les soldats se pressent pour le retenir mais je me redresse en leur ordonnant de le lâcher.
- Mon roi ! Pitié aidez nous !
Il s'effondre sur le sol, en larmes. Je me précipite vers lui mais Agnar pose sa main sur mon torse pour me retenir, me laissant lui parler mais en étant à bonne distance au cas où ce serait un piège.
- Que se passe-t-il ?
- Mon village...il a été enchanté par la reine. Nous...nous avons envahi les survivants de Sira sous ses ordres. Elles sont mortes, toutes. Et...nos amis avec...il ne reste presque plus aucun villageois !Il sanglote entre chacune de ses phrases, mon cœur se serre en l'entendant. Nous n'avions jamais autant perdu de citoyens.
- La cellule ne suffira pas à punir cette meurtrière mon roi.
Je me tourne vers le conseiller qui semble déterminé à me faire changer d'avis. Je garde la tête haute en retenant le plus possible mes émotions.
- Capturez la, vivante. Nous organiserons un procès et nous aviserons à ce moment-là. Allez dans ce village et aidez toutes les personnes ayant besoin.
Les soldats hochent la tête et accompagnent l'homme en sortant. Nathaniel semble satisfait de ma réponse et je me tourne ensuite pour me rendre dans les couloirs du château, Agnar me suivant de près. Une fois qu'il ne reste plus que nous je m'effondre en laissant mes larmes évacuer toutes les émotions enfouies de la journée. Ses bras viennent m'envelopper pour une étreinte réconfortante.
Moi qui pensais que Nakoa ne ferait jamais de mal à notre peuple, je me suis bien trompé. Ce n'est plus ma sœur mais bien une traîtresse. Alors pourquoi c'est si dur de lui en vouloir ?

VOUS LISEZ
Eaduria TOME 1
FantasyLe royaume d'Eaduria est un monde prospère, rempli de créatures fantastiques et gouverné par une famille royale humble et juste. Du moins, c'était le cas avant que les enchanteresses se redressent contre eux. Ces femmes à la voix hypnotique devront...