Chapitre 41

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Point de vue: Alaric.

Depuis plusieurs jours maintenant je n'ai plus une minute à moi. Nathaniel veut absolument que je rattrape mes années de retard et ne me laisse avoir de pause qu'au moment des repas et du coucher. Je n'ai même pas vu Agnar depuis mon couronnement.

Je dois apprendre le nom de tous les souverains mais aussi comment me tenir lors des bals et dîners. Mais également changer ma façon de parler et ne laisser paraître aucune émotion. C'est ainsi que je suis seul dans la salle de réunion à lire tout ce que les anciens rois et reines de Eaduria ont pu écrire sur l'histoire de notre royaume. Roma ne m'avait pas menti sur la raison de la guerre entre Sira et Terasmus. Je ne comprends pas que mes parents aient pu faire une chose pareille, et on s'étonne que Nakoa finisse mal...

En parlant d'elle, nous n'avons plus aucune nouvelle depuis son évasion et l'attaque sur les enchanteresses. Personne ne sait où elle se trouve ni ce qu'elle prépare. Même si elle doit faire face à la justice, j'espère au fond de moi qu'elle ne soit jamais retrouvée et puisse vivre une vie sans tourments cette fois. Nathaniel approche en sentant que ma concentration s'est dissipée et tape légèrement sur la table pour me réveiller.

- Vous n'avez pas fini vos leçons majesté.
- On pourrait pas faire une pause ? J'y suis depuis l'aube, ça commence à faire long...
- Pouvez-vous me dicter toutes les lois du royaume à la perfection ? Ou les noms des souverains aux alentours ainsi que leurs parents ? Vous ne connaissez même pas les aptitudes des habitants de Fesmao je présume.

Je soupire longuement en retournant sur mon livre, je n'avais rien contre lui avant et bien maintenant je peux dire que je le déteste. A chaque regard avec Agnar il s'efforce de me trouver quelque chose pour me distraire, je sais bien que mon rôle ne me permet pas une histoire avec lui mais j'ai bien le droit d'avoir un ami quand même ! Après encore quelques heures à essayer d'apprendre, il finit par soupirer.

- Bien, je vous autorise à prendre l'air quelques minutes.
- Je croyais que c'était moi le roi et que c'était moi qui donnait les ordres.
- C'est mon rôle en tant que conseiller royal de vous instruire, vous ne pouvez pas gouverner simplement à l'instinct.

Je sais qu'il a raison et pourtant cela m'épuise. Je ne me fais pas attendre et me lève pour rejoindre le jardin avant de respirer l'air pur qui me manque terriblement. L'époque où je peignais directement sur l'herbe me semble si loin désormais. J'avais oublié le calme qui règne ici lorsque personne ne s'entraîne.
Je viens fermer les yeux pour profiter de cet instant, mais un souvenir vient ternir de nuages mes pensées. Celui de Nakoa qui m'entraîne au combat. Elle était énervée et pourtant je sais qu'elle retenait ses coups puisque c'était moi. Et même comme ça j'avais perdu contre elle. C'est dur d'être tiraillé entre deux émotions, je suis partagé entre ma colère et ma déception qui me disent que ma sœur est morte, qu'elle n'est plus et ne sera plus jamais comme avant. Et mes sentiments guidés par mon cœur qui essaient de me persuader qu'elle a toujours un bon fond et qu'elle est simplement traumatisée par ses expériences. Une larme s'échappe suite à ce duel qui vit en moi.

- Décidément tu ne cesseras jamais d'être un pleurnichard.

Mon rythme cardiaque s'accélère soudainement et j'ouvre les yeux. Nakoa sort de la forêt vêtu d'un chaperon qu'elle retire en se mettant face à moi.

- N..Nakoa..

Je tourne la tête autour de moi en cherchant du regard un soldat.

- Inutile, ils ne sont pas là. J'y ai veillé.
- Qu'est ce que tu leur à fait...
- Ils sont toujours en vie, ne t'inquiète pas pour ça.

Une de ses mains est posée sur le manche de son épée et je peine à cacher la peur que cela me procure.

- Pourquoi es-tu revenue...?
- Ma place est à Eaduria, tu le sais comme moi.
- Je suis d'accord...j'espérais au fond de moi que tu puisses t'enfuir mais te rendre est un acte noble.

Elle lâche un rire qui ne me rassure guère.

- Me rendre ? Je crois qu'on s'est mal compris.

Elle sort l'arme de son étui en restant face à moi.

- Je viens récupérer ma couronne.
- A..attends Nakoa tu n'es pas obligée de faire ça...
- Ah oui ? Et je devrais faire quoi ? Fuir en étant traquée par tous les royaumes ? C'est ma place et tu ne la mérite pas.
- Je t'en prie...je ne veux pas me battre avec toi...
- Cela ne m'étonne pas, pas grave ça me rendra la tâche plus facile.

Elle brandit sa lame mais j'esquive assez rapidement pour ne pas être touché.

- Nakoa s'il te plaît arrête ! Tu es ma sœur !
- Je ne suis PAS ta sœur !

Elle balance son bras avec rapidité vers mon visage mais une épée vient bloquer la sienne et la pousser loin de moi. Un des soldats se met devant moi tandis que les autres se mettent à courir pour nous rejoindre. La rousse saisit son arme et continue ses attaques pour tenter de me toucher. Une des lames finit par me marquer la joue mais les gardes venant en renfort repoussent la jeune femme et forment une ligne pour me protéger. Agnar panique en voyant mon visage et me prend le bras en tenant ma joue de sa main libre.

- Ça va, ça va ne panique pas c'est l'épée de Yann qui m'a touchée, pas la sienne.

Il souffle de soulagement en veillant tout de même à mon état sûrement par peur que je lui mente pour ne pas l'inquiéter. Le combat continue face à l'enragée qui semble avoir perdu l'esprit, sa colère dirige ses coups et malgré le nombre de soldats elle les repousse de toutes ses forces. Agnar rejoint la lutte et à force d'être plusieurs elle finit par être désarmée. Le brun attrape l'épée avant qu'elle ne puisse le faire et elle balance sur eux un des mannequins de paille d'entraînement pour s'enfuir juste après. Reiner leur ordonne de lui courir après ce qu'ils font rapidement, sauf Agnar qui s'approche de moi en tenant l'arme dans sa main.

- Tu n'as rien ? Tu es sûr ?
- Tu as vu la façon dont elle me regardait...? Elle n'a plus aucune empathie pour moi, elle voulait tellement ma mort...

De sa main libre, il saisit ma tête pour la tirer vers son torse doucement. Je le serre contre moi malgré l'armure qui rend cette étreinte moins confortable.

- Nous avons son arme, c'est fini maintenant elle n'a plus rien contre toi.
- Mais elle est toujours en fuite...ça ne s'arrêtera jamais, tant qu'elle sera dehors je serais en danger.

Sa prise se fait plus forte à mes mots car il sait que j'ai raison, Nakoa veut ma mort et elle ne reculera devant rien pour faire cesser mon cœur de battre.

Eaduria TOME 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant