Chapitre 15

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Point de vue: Alaric.

Je fais signe à Agnar de s'asseoir à mes côtés pendant le dîner mais il semble hésiter.

  - Tu es sûr ? Je n'ai pas vraiment le droit de m'asseoir à la table royale.
  - Qui ça dérangerait ? Nakoa dort sûrement encore et tout le monde semble avoir disparu, assis-toi.

Il finit par m'obéir et prend place à mes côtés, profitant du repas avec moi.

  - Tu es sûr que tu n'as aucun maux de tête ? Le coup était violent quand même.
  - Je suis plus fort que tu ne le pense, Nakoa n'a pas non plus une force surhumaine. Je vais bien.
  - Ce n'est pas ce que je sous-entends, je veux juste m'assurer que tu ailles bien.
  - Et c'est le cas.

Il me sourit avec douceur, faisant encore ressortir sa fossette unique. Même si cela ne me rassure pas. Nous terminons notre repas puis marchons un moment dans les couloirs du château pour nous occuper.

  - Tu crois que Nakoa va obtenir ce qu'elle veut ?
Je demande brusquement.
  - Comment ça ?
  - Si la prisonnière va avouer.
  - Je ne sais pas, les enchanteresses sont très loyales les unes envers les autres. Mais si ta sœur la torture cela dépendra de sa résistance.

L'idée de la voir faire du mal à quelqu'un me terrifie. Comment cette jeune fille qui me défend face aux simples d'esprits, qui me rejoignait dans ma chambre pendant les nuits d'orages peut devenir cette personne si froide et insensible ?

  - Elle me manque, l'ancienne elle.

Il me regarde je le sens, mais je ne redresse pas la tête pour autant.

  - Moi aussi, je ne l'ai pas vu sourire depuis un moment.
  - Je ne pensais pas qu'elle deviendrait ainsi lorsqu'elle serait couronnée.
  - Cela aurait sûrement été différent si la reine Diana n'avait pas perdu la vie.
  - Tu as sans doute raison.

En parlant de ce jour, nous nous retrouvons devant les portes de la chambre conjugale peu de temps après notre dîner ensemble. L'idée que Nakoa puisse un jour dormir dedans après ce qui s'est passé me glace le sang. Mais je suppose qu'elle demandera à changer la sienne pour en faire un vrai appartement de souverains. Le scintillement venant de la serrure m'interpelle, m'incitant à rentrer. Rien ne se trouve à l'intérieur à part les meubles déjà présents avant. Je cherche d'où pouvait provenir cette lumière en vain.

  - Que cherche tu ?
  - Tu...tu n'as pas vu de la lumière depuis l'intérieur ?
  - Je n'ai pas fait attention.

Je reste silencieux un moment, regardant même sous les meubles mais au lieu de trouver un scintillement je vois une dague. Je la ramasse pour la regarder attentivement.

  - C'est une arme de chez nous ?

Je demande à Agnar en lui tendant la lame. Il l'examine un moment en secouant la tête.

  - Non, les motifs ne sont pas les mêmes. Ceux-là sont ceux de Sira.
  - Ça serait à l'enchanteresse qui a attaqué ma mère ?
  - C'est fort possible. Mais il n'est pas tâché de sang, avec quoi a-t-elle poignardé ta mère ?
  - Je ne sais pas, elle avait peut-être une épée ?
  - Je ne les ai jamais vu avec ce genre d'armes.
  - Oui mais elles n'avaient pas d'armures pour leur gorge avant non plus. Elles auraient pu évoluer.

Il continu d'observer la dague en restant perplexe. Je me redresse en penchant la tête face à mon incompréhension.

  - A quoi penses-tu ?
  - Je ne sais pas trop, je me demande pourquoi elles ne nous ont pas attaqué avec des épées si elles en avaient.
  - Je n'en sais rien. En quoi cela te chiffonne ?

Il me regarde et je sens bien qu'il hésite à me parler, il range finalement la dague en secouant la tête.

  - Rien, oublie ça.
  - Non ! Agnar, dis moi ce qui te passe par la tête s'il te plaît.
  - Je trouve ça bizarre, j'ai une intuition qui me dit que quelque chose ne va pas là dedans. Elles auraient pu attaquer à plusieurs pour être sûres de tuer les deux reines, mais une seule est venue. Seule l'épée de Nakoa était tachée.
  - Parce qu'elle a tué l'enchanteresse en question, tu as vu le corps tout comme moi !
  - Oui je ne doute pas de ça. Mais avoue que tout cela reste suspect ?

Je reste silencieux un moment, j'ai peur de comprendre où il veut en venir mais je secoue la tête négativement.

  - Je refuse de penser à ça ! Pourquoi tu veux accuser ma propre sœur ?!
  - Je ne dis pas qu'elle est coupable, elle a peut-être été hypnotisée pour le faire.
  - Ça n'a pas de sens ! Elle a attaqué l'ennemi avec son épée mais celle-ci a lancé son arme sur notre mère avant qu'elle puisse l'atteindre, voila ce qui s'est passé. C'est Nakoa qui l'a dit !
  - Alors où est passée l'arme de cette femme ?

Je marmonne de frustration et commence à fouiller les lieux.

  - Je ne sais pas, ils l'ont peut-être jeté avec le reste !
  - Calme toi Alaric.
  - Ne me dit pas de me calmer alors que tu accuses ma sœur, ta propre reine, d'avoir tué ma mère !

Les larmes me montent aux yeux et il me prend dans ses bras de suite en le remarquant. Je me calme presque immédiatement sous la surprise.

  - Excuse moi...s'il te plaît ne pleure pas. C'était stupide de ma part, surtout après ce que vit Nakoa. Je te demande pardon.

Mes larmes cessent de couler et mes bras viennent entourer son corps pour répondre à son étreinte.

  - Ce n'est rien...je t'accorde que c'est étrange. Mais on pourra lui demander plus d'explications lorsqu'elle sera là. Mais ne crie pas ta théorie sur tous les toits.
  - Bien sûr que non, je ne vous ferai pas ça je te promets.

J'acquiesce d'un mouvement de tête en silence, laissant celle-ci se reposer sur le torse de mon ami. Même si ses suppositions m'ont blessées, je dois bien admettre que maintenant je me demande moi aussi ce qui a bien pu se passer ce jour-là. Après tout, rien ne nous empêche de mener notre enquête. Pas contre Nakoa bien sûr. Seulement pour savoir ce qui a pu déclencher chez elle cette telle haine envers les enchanteresses, en plus du meurtre de notre mère.

Eaduria TOME 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant