Point de vue: Nakoa.
Je détache de mon armure l'arc qui y était accroché, remettant en place ma tenue avant de m'accroupir dans les buissons. Je me suis légèrement éloignée du lieu de l'embuscade, me doutant qu'elles n'avaient pas attaqué au même endroit que leur position. J'attends dans cette posture pendant ce qui me semble être une longue heure avant de voir enfin une personne sortir des bois.
C'est une femme, elle tient dans sa main un panier et commence à cueillir les fruits présents sur les arbres. Je devine par sa tenue et ce geste qu'elle n'est pas d'Eaduria. Mon peuple ne se risque jamais à s'aventurer dans les bois pour une chose aussi futile que des fruits, qu'on leur donne volontairement. De plus, sa tenue ressemble plutôt à une armure dissimulée, aucun de mes soldats ne porte ce genre d'accoutrement. Je saisis la première flèche à ma portée et commence à viser, je ne veux pas la tuer mais seulement la capturer afin de tester nos protections contre son espèce. Je me concentre afin de ne pas rater ma cible mais une main vient brusquement attraper mon arc pour m'en empêcher. Je brandis ma dague pour riposter mais me calme en voyant Agnar suivi d'Alaric.
- Mais qu'est ce que vous faites là ?!
Dis-je en chuchotant pour ne pas nous faire repérer.
- On vient t'empêcher de faire une bêtise. Pourquoi es-tu partie toute seule ? Es-tu inconsciente ?!
- Je n'ai pas de leçons à recevoir de toi ! Tu ne voulais pas que je mette en danger les soldats et maintenant tu me reproches de le faire moi même mais que te faut-il ?!
- Je veux aucun blessé ni mort c'est tout ! Cela vaut pour toi également.
- Je ne partirais pas sans elle !Nos murmures ont dû se faire trop bruyant, car notre ennemi est en train de courir directement entre les arbres. Je me redresse brusquement et lui court après pour ne pas la perdre. Ce qui est bien plus facile dans cette tenue qu'avec ma robe habituelle. En sentant que je commence à fatiguer je finis par m'arrêter en visant de nouveau l'enchanteresse avec mon arc, cette fois je ne me laisse pas distraire et tire.
La flèche transperce son mollet la faisant crier de douleur et tomber au sol. J'attrape dans une de mes poches un tissu que j'avais pris avant et viens lui couvrir la bouche directement pour l'empêcher d'utiliser son pouvoir. Agnar et Alaric arrivent ensuite et je me tourne vers eux, essayant de maintenir la prisonnière qui se débattait.- Aide moi au lieu de me regarder ! Avec ses cris, elles ne vont pas tarder à venir !
Le soldat s'exécute, venant attacher la femme avec une corde qu'ils ont toujours sur eux en cas de besoin.
- Je ne suis toujours pas d'accord avec ce que tu fais...
- Et bien mon cher frère, c'est trop tard. Il va bien falloir que tu apprennes que dans le vrai monde tout n'est pas blanc. Tu crois que cette femme t'aurais épargné si les rôles étaient inversé ?Il reste silencieux, signe pour moi que j'ai raison. Nous attachons ensuite la corde à mon cheval avant que je prenne place dessus tout comme le garde sur le sien.
- Comment crois-tu que les enchanteresses vont réagir à ton geste ? Tu vas attirer encore plus de haine.
- Je ne fais que répondre à leurs attaques. Une vie pour une vie, et encore je lui laisse la sienne sauve je me trouve raisonnable.Il se tourne vers son compagnon, sûrement dans le but d'avoir son soutien mais son serment de soldat l'empêche d'être contre ma volonté.
- Ne discute pas et monte sur ce cheval.
Il marmonne et s'exécute. Nous repartons ensuite calmement et dans le silence complet vers le château.
Lorsque nous atteignons notre destination, je m'arrête et descends pour m'occuper de notre prisonnière en personne. Je sens bien tous les regards rivés sur moi, jamais auparavant nous n'avions fait de prisonnier hors notre peuple à part en temps de guerre. Je laisse l'écuyer s'occuper de ma monture tandis que je tire la femme vers sa nouvelle demeure, c'est à dire une cellule. Lorsque je tente d'échanger la corde avec des chaînes, elle utilise sa jambe non blessée pour me donner un coup dans le ventre. Grâce à ma tenue, celui-ci est atténué et ne me fait pas lâcher ma prise. Par vengeance, je laisse mon poing se diriger violemment vers son visage.
- Refais ça encore une fois et la punition sera bien pire.
Cela semble lui suffire et je l'attache ensuite aux chaînes de sa cellule, je soupire en entendant les pas d'Alaric derrière moi comme s'il jouait les anges gardiens.
- Quoi encore ?
- Tu comptes faire quoi maintenant ?
- L'interroger, mais pour ça j'ai besoin que plusieurs personnes restent au cas où elle tenterait de prendre le contrôle. Après tout, leur pouvoir se limite à une personne par phrase.
- Qu'est ce qu'elle a au visage ?Je reste silencieuse, j'ai sûrement été un peu trop brutale dans mon geste pour que celui-ci se voit directement.
- Tu l'as frappé ?!
- Je me défendais, elle m'a attaqué en premier.
- Qu'est ce qui t'arrive ?! Je t'ai jamais vu comme ça avant !
- Avant, j'avais une mère.Ma phrase vient brusquement faire taire tout le monde. Y compris les bruits étouffés de l'enchanteresse.
- Tu oublies que c'était ma mère aussi. Je souffre autant que toi Nakoa et je comprends ta colère. Mais tu ne dois pas la répandre ainsi.
- Très bien, Alaric.Je laisse la prisonnière un moment pour me tourner vers lui.
- Puisque tu semble avoir de si bons conseils, dis moi clairement ce que je devrais faire. Mmh ? Les laisser développer leurs armures jusqu'à ne plus avoir aucun moyen de nous défendre ? Comme ça, à la prochaine attaque elles pourront totalement prendre le contrôle du château. Ou encore mieux ! Nous devrions les inviter à un dîner, qu'en dis-tu ? Pour les remercier de nous avoir attaqué de si nombreuses fois et d'avoir tenté de me tuer, et de l'avoir vraiment fait pour notre mère. Je peux également les laisser hypnotiser notre peuple pour qu'ils s'entretuent afin qu'il ne reste plus que nous. Alors dis moi Alaric, quels sont tes conseils ?
Face à mon monologue, il reste muet. Ce qui ne m'étonne pas. Il juge encore et encore alors que tout ce que je fais c'est essayer de protéger notre peuple et je l'avoue, de également venger notre mère.
- C'est bien ce qui me semblait. Tu ne fais que me faire la morale mais tu ne sais rien du rôle de roi ou reine. J'ai tout un peuple à protéger et que ça te plaise ou non, leurs vies sont plus précieuses que celles de nos ennemis. Soit tu acceptes de me laisser faire et nous vengerons notre mère ensemble en plus de jouer notre rôle de souverains, soit tu t'en va.
Ses yeux me font encore leur regard de pitié, je déteste dire ça mais je n'ai pas le choix. Si Alaric m'empêche de faire tout ce que je pense être juste pour le royaume je ne pourrais jamais régner correctement.
Il semble quand même hésiter, je ne comprends pas bien pourquoi.- Je veux juste...je veux juste qu'il n'y ai pas de guerre. Il y a peut être un moyen diplomatique de régler tout ça, une raison pour laquelle elles nous attaquent. Il y a déjà eu assez de morts avec ces conflits.
Je détourne le regard après sa phrase, il y a bien une raison. Mais je refuse de leur accorder le moindre pardon.- Si elles n'avaient pas tué notre mère, peut-être que je t'aurais écouté. Mais elles, elles n'ont pas cherché un moyen de communiquer. Alors j'ai besoin de savoir si tu es avec nous ou contre nous Alaric.
- Tu sais bien que je ne pourrais jamais être contre toi. Je veux simplement que tu vois avec tes yeux et pas avec le voile de la colère que tu as. Mais après tout, c'est toi la reine.Ses pas s'éloignent ensuite, résonnant dans la prison presque vide. Et me laissant seule avec notre prisonnière.

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Eaduria TOME 1
FantasyLe royaume d'Eaduria est un monde prospère, rempli de créatures fantastiques et gouverné par une famille royale humble et juste. Du moins, c'était le cas avant que les enchanteresses se redressent contre eux. Ces femmes à la voix hypnotique devront...