Eaduria TOME 1

Chapitre 9

Point de vue: Alaric.

N'ayant pas vu Agnar de la journée, je finis par quitter la salle dans laquelle je me recueille pour peindre. Je me dirige ensuite vers le lieu d'entraînement habituel mais au lieu de faire les exercices quotidiens, tous les soldats sont en tenue aux couleurs de la forêt. Celles-ci ne sont sorties que pour de rares occasions ce qui fait que je ne comprends pas ce qui se passe.

- Agnar ? Qu'est ce que vous faîtes ?

Il se tourne vers moi, s'asseyant sur un banc pour retirer ses chaussures.

- C'est le plan de ta sœur, elle nous fait parcourir la forêt pour trouver la cachette des enchanteresses. Elle veut qu'on en capture une.
- Mais...mais c'est n'importe quoi !
- J'ai essayé de lui parler mais elle m'a fait comprendre qu'il fallait que je reste à ma place.
- Je ne comprends pas...Ce n'est pas dans ses habitudes.
- Je sais bien mais je n'ai plus vraiment la foi d'essayer de la raisonner.

Il regarde vers les mannequins de paille où la concernée s'entraînait, je suis son regard avant de le reporter vers lui.

- Je vais tenter de nouveau.
- Bonne chance.

Je lui offre un faible sourire avant de me diriger vers elle. Ses coups semblent plus énervés que d'habitude.

-Hum...Nakoa ?

Elle s'arrête un moment, reprenant son souffle avant de se tourner vers moi.

- Je...Je voudrais te parler de ton plan avec les enchanteresses.
- Tiens, attrape ça.

Elle me lance une épée encore dans son fourreau que je rattrape à bout de bras sans comprendre. Elle redresse la sienne vers moi, droite et sans trembler.

- Il est temps que tu t'entraîne toi aussi.
- Q..Moi ?!
- Oui, si Agnar n'avait pas été avec toi pendant l'attaque tu ne serais peut être plus là toi aussi. Il faut que tu apprennes à te battre.
- Nakoa...tu sais que ce n'est pas vraiment mon activité de prédilection.
- Je me fiche de ça, attaque moi.

Je déglutis faiblement, j'ai déjà eu l'occasion de me battre avec elle et tous ces combats finissaient toujours pareil. Sa victoire est inévitable. Mais face à son ton autoritaire je finis par retirer l'arme de sa protection et tend celle-ci avec hésitation vers la rousse.

- Allez, attaque moi.

L'hésitation continue en moi mais je finis par obéir, attaquant le premier mais elle pare mon geste facilement. Je ressens bien qu'elle résiste à me battre, sûrement pour que j'apprenne plutôt que de simplement perdre. J'en profite donc et donne tout ce que j'ai, c'est à dire pas beaucoup en réalité. Comparé à elle en tout cas. Mes coups se font hésitants et brouillons, ce qu'elle s'entête à corriger pendant l'exercice.

- Tu laisse trop à découvert tes points faibles, utilise ton épée comme bouclier !
- Mais je ne sais même pas c'est quoi mes points faibles.
- Tes jambes, elles sont trop tremblantes à force de passer ton temps sur une chaise elles ne sont pas assez musclées. Par contre tes bras ont l'habitude d'être en l'air alors profites en.

J'essaie d'appliquer ses conseils à la lettre, mais comme toujours elle finit par me battre. Je commence à croire que je n'y arriverai jamais. Sa main vient lâcher son arme pour la remplacer par une dague.

- J'attire autant de pitié ?
Dis-je dans un soupir.
- Les enchanteresses combattent avec des dagues, pas des épées. C'est une mise en situation.

Elle se met soudainement à m'attaquer mais cette fois-ci je dégage rapidement son bras sur le côté, profitant de la confusion pour lui donner un coup dans le ventre avec mon pied qui la projette au sol. J'ai réussi ? J'ai vraiment réussi ! Pris par la joie, je souris euphoriquement sans faire d'autres gestes.

- Vérifie toujours que ton adversaire est bien mort.

Elle attrape soudainement ma cheville suite à ses mots et la tire vers elle, me faisant tomber brutalement à mon tour avant que sa dague ne finisse sous ma gorge.

- Ç..Ça va j'ai compris !
- Tu es sûr ? Il est facile de faire croire qu'on est inconscient au combat, ne baisse jamais ta garde.

Elle se redresse ensuite, dépoussiérant sa robe que je venais de tâcher avec l'empreinte de ma chaussure. J'attends un instant que les battements de mon cœur reviennent à la normale avant de faire de même.

- Je n'arriverais jamais à ton niveau.
- Il te faut de l'entraînement.

Un silence pesant vient prendre place avant qu'elle reporte son regard vers moi.

- Quoi que tu dise ou fasse, je n'abandonnerai jamais l'idée de venger notre mère Alaric. Nos ennemis payeront pour leurs actes.

Face à ses mots si froids, je ne sais quoi répondre. Elle semble déterminée et je ne pense pas avoir le pouvoir de la raisonner moi non plus. Nakoa finit par ranger les armes avant de partir vers le château.

- Alors, qu'est ce que ça a donné ?

Je me tourne vers Agnar qui avait revêtu sa tenue habituelle.

- Rien...Je crois que personne ne peut lui faire sortir cette idée de la tête. La perte de notre mère est trop dure pour elle. Je ne sais plus quoi faire Agnar...

Ma voix se brise à la fin de ma phrase. Il s'approche vers moi et sa main vient caresser mon dos avec douceur.

- Tu n'y es pour rien. Ta sœur est maître de ses choix.
- Mais si ceux-ci causent la perte de nos soldats...et de toi...je sais pas si je pourrais lui pardonner.
- Nous n'en sommes pas encore là, peut-être qu'avec le temps elle finira par comprendre que la guerre n'est pas une solution.
- J'espère que tu as raison.

Je respire profondément afin de me calmer et lui souris pour le rassurer sur mon état.

- Tu repars bientôt ?
- Demain dans l'après-midi.
- On pourrait se voir le matin alors, si tu n'as rien à faire bien entendu.
- Ça me ferait plaisir.

Il me sourit à son tour, faisant ressortir sa fossette avant de relâcher mon dos.

- Mais je dois aller ranger les équipements, je suis de corvée.
- Oh bien sûr, je ne te dérange pas plus. Je devais continuer une peinture de toute façon, à plus tard !

Il me salue à son tour et nous partons ensuite chacun de notre côté. Je ne sais pas quand l'attitude de Nakoa reviendra à la normale, mais j'ai bien peur que la mort de notre mère l'ait brisée au point que ce ne soit plus jamais comme avant.