Chapitre 8

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Calliopé passa devant, plus habituée qu'Alstair à grimper les degrés qui menaient à la porte de service dans l'obscurité. La volée de marches n'en finissait pas et Calliopé sentait ses poumons et ses muscles crier grâce. La nuit était tombée et ils avaient attendu que les cuisines se soient vidées, se contentant d'errer dans la ville parée d'un goût d'interdit d'autant plus prononcé. Ni l'un ni l'autre n'avait évoqué le trou noir, mais son image tourbillonnait avec force dans l'esprit de Calliopé.

— Rappelle-toi, haleta Alstair, si Ghalard te pose la question demain, je t'ai aidée pendant son absence à réviser le cours de Lord Innis que tu as manqué, et nous n'avons pas vu l'heure passer.

Calliopé était une piètre menteuse et elle espérait que le Chevalier n'irait pas chercher à corroborer les dires du prince, mais elle acquiesça.

— Calliopé.

— Oui ?

Il y eut un long silence, durant lequel elle n'entendit plus que l'écho de leurs pas sur les marches irrégulières. Lorsque ses doigts se posèrent enfin sur la poignée de la porte des cuisines, Alstair, derrière elle, laissa échapper dans un souffle :

— Merci.

Calliopé sentit son cœur tambouriner un peu plus fort dans sa poitrine. Lorsqu'elle poussa le panneau de bois, Calliopé se figea net ; Alstair se cogna violemment contre son dos.

— Que les Muses soient maudites, Cal...

— Les jurons ne vous siéent guère.

La voix de Ghalard, grondante, coupa l'espace entre eux comme un coup de tonnerre.

À cette heure, les cuisines auraient dû être plongée dans la pénombre. Pourtant, la grande silhouette du Chevalier se découpait faiblement dans la lueur de l'unique lampe à gaz qui y avait été allumée.

Calliopé sentit le jeune homme se raidir dans son dos. Alstair effleura son épaule. Calliopé, qui se sentait bien trop dans la ligne de mire du Chevalier, s'écarta volontiers pour laisser le prince passer.

— Ne me parle pas sur ce ton, Ghalard. Je suis ton seigneur.

— Comportez-vous comme tel.

Alstair se planta devant lui, poings serrés, tête haute. Il irradiait une telle prestance, à cet instant, que Calliopé en fut presque fascinée.

— Je t'interdis de...

— Assez ! tonna Ghalard. Vous n'êtes qu'un enfant capricieux. Et vous, fit-il en pointant Calliopé du doigt, êtes-vous donc dépourvue de toute intelligence ? Emmener le prince héritier à l'extérieur ? Vous...

— C'est ma faute, coupa Alstair. C'est entièrement ma faute.

L'attention du Chevalier se reporta net sur lui. Calliopé, en cet instant, était heureuse de ne pas avoir à affronter son regard. Toute l'assurance du prince avait fondu comme neige au soleil, et, lorsque Ghalard avança vers lui, il perdit même du terrain.

Il était temps que Calliopé intervienne. Elle ne pouvait pas laisser Alstair affronter seul les conséquences de leur sortie. Mais elle avait à peine fait quelques pas dans la pièce que la voix du jeune homme résonna à nouveau, emplie encore de l'écho d'autorité qui y avait retenti quelques instants plus tôt.

— Je t'interdis d'en parler. Ni à l'Académie, ni à mon oncle, ni à personne.

La mâchoire du Chevalier se contracta.

— Vous savez que je ne suis pas tenu de respecter vos ordres s'ils mettent votre propre vie en danger.

— Je n'ai pas mis ma vie en danger. Je suis allé me promener dans Airdehaven.

CalliopéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant