Chapitre 40

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À bout de souffle, ils débouchèrent dans le hall du palais. Les chaînes qui entravaient les poignets des deux femmes cliquetaient en un vacarme infernal.

Les gardes postés là, aussi immobiles que des statues, prirent vie et dégainèrent leurs armes dès qu'elles mirent le pied sur la dernière marche.

Calliopé était trop sonnée par les récents évènements pour réagir. Un des gardes s'avança jusqu'à eux, lame au clair. Son armure rutilante sous la lumière qui éclairait le hall. Étouffé par la montagne, le tonnerre gronda.

— Elles sont avec moi, expliqua Alstair en s'avançant.

— Ce sont des prisonnières, Votre Altesse.

Le garde le fixait d'un air méfiant, ce qui, de toute évidence, n'était pas bon signe. Calliopé sentit son estomac se nouer un peu plus.

— Mon oncle m'envoie. Excusez-nous, nous sommes vraiment pressés.

Alstair était pâle, mais il y avait tant d'assurance dans sa voix qu'une lueur stupéfaite s'alluma dans les yeux du garde. Mais lorsqu'il fit un pas en avant, le garde lui barra le passage de son bras libre. Le prince haussa un sourcil. Il devait certainement déployer des trésors de volonté pour se montrer aussi ferme.

— Qu'est-ce que cela signifie ? s'enquit-il d'un ton glacial.

— Je regrette, Altesse. Nous allons raccompagner les prisonnières à leurs cellules, et vous escorter à vos appartements.

Dans le hall, il y avait au moins une vingtaine de gardes en faction, et Calliopé pouvait sentir leur attention dirigée vers eux. Elle n'avait pas la moindre envie de se risquer à faire de la Prose, pas avec Phénix dans les parages – car que pourrait-il se produire alors ? Et même avec son don... les hommes étaient trop nombreux. Pourtant, elle sentit nettement la Prose d'Alstair s'élever dans les airs, mais il n'en fit pas usage et énonça calmement :

— Vous n'en ferez rien. Laissez-nous passer.

— Je ne peux pas prendre le risque...

— Voulez-vous prendre le risque de contrarier mon oncle et messire Ghalard ?

Cela le fit flancher. Le garde rompit d'un pas, non sans avoir adressé un hochement de tête respectueux à Alstair.

La voie était libre. Mais quand Calliopé voulut s'élancer vers les portes du palais, le prince la tira par le bras, faisant tinter ses chaînes. Et il l'entraîna droit vers le cœur du palais.

— Qu'est-ce que tu fais ? chuchota-t-elle lorsqu'ils furent hors de portée de voix.

— Le troisième vortex. Il existe. Il est ici.

— Quoi ?

Le prince s'arrêta.

— Je... je...

Alstair ne trouvait pas ses mots. C'était si inouï que le sens de ces paroles qu'il ne prononçait pas la frappa de plein fouet.

— Tu as ouvert ce vortex ? s'exclama-t-elle, incrédule.

— Oui. Il y a longtemps. Perséus... Phénix... Le Grand Tremblement.

Les mots de l'Imprimeur flottaient déjà dans son esprit. Un troisième trou noir. Il s'est ouvert lors du Grand Tremblement. Calliopé frémit d'horreur. Le Grand Tremblement. C'était lui, pas elle. Le séisme qui avait emporté son père. C'était... Non. C'était Phénix. Et il avait eu la cruauté de s'attacher à elle ensuite ?

— Je suis désolé.

— Tu... tu n'y es pour rien...

Mais elle ne se croyait elle-même qu'à moitié. Je n'ai fait que profiter de l'occasion, avait dit Phénix en parlant de la mort de sa nourrice. Ce jour-là, un trou noir était né. Le premier. Et lorsque le prince attrapa sa main, elle dut faire un effort incommensurable pour ne pas la retirer.

CalliopéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant