Chapitre 9

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Calliopé ne pouvait pas dire qu'elle avait fréquenté de nombreux personnages influents dans sa vie. Mais l'invité d'honneur qui se tenait à quelques pas d'elle, en grande discussion avec la professeure de stylistique, Lady Mairead, était tout le contraire de ce qu'elle aurait pu s'imaginer.

Il ne devait être guère plus âgé que Boréas aurait dû l'être. De longs cheveux blancs tombaient jusqu'à ses épaules. Sa peau, plus pâle que celle des enfants chétifs qui grouillaient dans la basse-ville, sculptait les os de son visage, dans lequel étaient enfoncés deux yeux de charbon. Il était entièrement vêtu de noir. Si Calliopé ne s'y connaissait guère en étoffe, sa tenue, bien que de bonne facture, ne parvenait pas à rivaliser avec celles d'Alstair. La seule chose qu'ils possédaient en commun semblait être les bagues qu'ils portaient. Une chevalière.

Celle de l'homme, seule touche de couleur contre sa peau livide, était une grosse pierre d'un rouge profond qui luisait comme du sang et qui lui rappelait la chevalière d'Alstair.

— C'est Arzhul. L'Imprimeur.

Calliopé sursauta. C'était Idalia qui venait de parler. Ce n'était pas dans les habitudes de la jeune femme de converser avec elle, aussi Calliopé lui renvoya-t-elle un regard interrogateur. En réponse, elle obtint un haussement d'épaules.

Arzhul. L'homme dont lui avait parlé Alstair.

— Avant de partir dîner avec son oncle, Alstair m'a demandé de te le dire. Il a affirmé que ça pourrait t'intéresser.

Idalia eut un sourire glacé.

— Je suis convaincue que tu ferais une bonne Imprimeuse. Après tout, tu as de l'expérience dans ce domaine.

Calliopé serra les poings. Mais avant qu'elle ne puisse rétorquer, l'homme les fixa. Une vague glacée descendit dans le dos de Calliopé. Il glissa quelques mots à Lady Mairead. Avant de fuser droit vers elles.

Calliopé recula, mais Idalia plaqua une main dans son dos.

— Monsieur Arzhul, c'est un honneur de vous rencontrer ! pépia Idalia. Nous avons appris que vous alliez publier Orphen. C'est un de mes grands amis, figurez-vous.

C'était absolument faux. Calliopé ne se souvenait pas d'une seule fois où Idalia avait discuté avec leur camarade.

La voix d'Arzhul résonna, si éraillée et grave qu'elle lui donna l'impression d'être ensevelie sous une montagne

— Vous m'en direz tant.

— J'ai moi-même publié quelques textes dans le Bulletin de l'Académie. Ils ont connu un petit succès.

Les yeux d'Arzhul se posèrent sur Idalia. Calliopé n'aurait su dire si elle y voyait de l'indifférence ou une retenue polie, mais elle était heureuse de ne pas être l'objet de son attention : elle aurait à coup sûr perdu ses moyens, et d'ailleurs, elle voyait l'assurance de sa camarade la quitter petit à petit. Idalia se racla la gorge et poussa Calliopé vers l'Imprimeur.

— Calliopé voulait justement vous parler ! Elle a travaillé dans une imprimerie avant de nous rejoindre. N'est-ce pas, Calliopé ?

Arzhul lui accorda à peine un coup d'œil.

— Le prince n'est pas là ? coupa-t-il.

L'estomac de Calliopé se noua. Idalia, elle, demeura muette de stupéfaction, pour une fois.

— Non, répondit Calliopé. Il passe les festivités avec son oncle.

Un éclat de déception passa dans les yeux d'Arzhul. Enfin, il posa les yeux sur elle. Ils étaient sombres, et elle eut l'impression désagréable qu'ils transperçaient son âme.

CalliopéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant