Chapitre 13

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Assise sur les marches de l'escalier principal, Calliopé se rongeait les sangs. Philosophie de l'amplification dans sa main gauche, sa plume dans la main droite, un cahier en équilibre précaire sur ses genoux et son encrier dangereusement posé près de son pied, elle essayait de mettre le contenu de l'ouvrage en application. Il lui fallait développer un extrait particulièrement ardu d'une épopée en vers, le passant de cinq lignes à une page entière. L'exercice était ennuyeux au possible, et, elle devait sans cesse lâcher sa plume pour compter le nombre de syllabes sur ses doigts.

Phénix n'était pas là. Elle manquait le premier cours de la journée et elle s'en fichait bien. Phénix avait disparu, ou, tout du moins, il n'était pas revenu du palais. Ce n'était pas dans ses habitudes. Elle se disait pour se rassurer qu'il s'était peut-être retrouvé enfermé dans une pièce du palais, mais elle savait que c'était là une pure chimère. Il pouvait se glisser absolument partout, sous une porte, à travers une serrure. Une fois, il avait même réussi à se couler à travers le minuscule interstice d'une fenêtre.

Alstair n'était toujours pas là, lui non plus, et la rumeur de la tentative d'assassinat du Régent avait enflé entre les murs de l'Académie dès l'aube, portée par les journaux. L'agitation avait été telle que le directeur avait dû rappeler tout le monde à l'ordre, au petit déjeuner. L'agitation était retombée dans le réfectoire et dans les couloirs, mais pas l'inquiétude. Elle supposait qu'Alstair devait rester auprès de son oncle, en de telles circonstances.

Tout cela, couplé à sa mésaventure dans l'imprimerie d'Arzhul, la veille, pesait sur elle plus lourdement qu'une enclume. Elle peinait à respirer, et la fatigue de sa courte nuit lui donnait des vertiges.

Oui, elle manquait le premier cours de la journée et elle s'en fichait bien.

Au moment où la cloche sonnait, la carrure du Chevalier étendit son ombre dans le hall. Et derrière, une seconde silhouette.

— Alstair !

Mais avant qu'elle ne puisse s'avancer, le Chevalier avait fondu sur elle et attrapé son bras, la faisant reculer.

— N'approchez pas, gronda-t-il à voix basse.

Ghalard lui en voulait-il encore d'avoir entraîné le prince à l'extérieur ? Abasourdie, Calliopé ne songea même pas à répliquer. La voix d'Alstair, en revanche, claqua si vivement qu'elle sursauta.

— Ghalard ! Laisse-la !

— Non.

— Tu m'as promis...

Les premiers élèves commençaient à émerger des couloirs, traversant le hall pour rejoindre leurs prochains cours, et le Chevalier la lâcha.

— J'ai promis de taire son implication dans votre escapade. Je n'ai rien dit concernant le fait que vous l'approchiez à nouveau.

Calliopé sentit un soulagement un peu amer l'étreindre.

Elle ne comprenait que trop bien le point de vue du Chevalier. Elle voulut s'excuser encore une fois, mais Alstair lui vola la parole.

— Je veux lui parler.

— Je ne peux l'autoriser.

— Tu n'as rien à autoriser. Laisse-moi avec elle, c'est un ordre !

— Je ne suis pas tenu d'obéir à vos ordres.

— Seulement s'ils mettent ma vie en danger.

— Nous n'allons pas recommencer cette discussion !

Le regard de Calliopé passait de l'un à l'autre.

— Je me suis déjà excusée pour l'autre jour, fit-elle.

CalliopéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant