Chapitre 39

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Phénix. Viens.

Tandis que les mots résonnaient dans l'immense pièce, Calliopé se figea.

Là, sur la pierre froide de la salle du trône, l'ombre plus glacée encore de Phénix apparut. Une forme indistincte, plus sombre que la nuit ; elle pulsait faiblement.

— Alstair, soupira Phénix. Je t'ai pourtant déjà dit que ce n'était pas une façon civilisée d'appeler un am...

— Ghalard, coupa Alstair.

Dans un éclair de ténèbres, Phénix bondit vers les portes. Avant qu'il ne puisse les atteindre, comme mues de leur volonté propre, elles se refermèrent avec un claquement sec, et un barrage de flammes prit naissance à même le sol. Scellant toute ouverture par laquelle l'ombre aurait pu s'échapper.

Avec un cri de rage, Phénix se réfugia dans les hauteurs de la salle.

Le chuintement de la lame que Ghalard rengainait s'ensuivit, puis ses pas dans le silence qui était tombé sur l'assemblée. Sa cape immaculée frôlait le sol, et dans son sillage venait la mort. Les poings du Chevalier s'étaient veinés de noir. Il avançait. Droit vers Phénix. Ghalard leva sa main, paume tournée vers lui.

— Non ! s'exclama Calliopé.

Elle ne sut à quel moment le prince s'était levé de son trône, à quel moment il avait dévalé les marches pour descendre de son piédestal. Mais il se tenait près d'elle désormais. Il était là. Sa main s'était glissée dans la sienne, faisant cliqueter ses chaînes.

— Ne l'approche pas ! tonna le Régent.

Dans le regard que son oncle posait sur lui, il n'y avait que de la déception. Alstair blêmit, mais il se tourna vers elle, et ses yeux bleus la percutèrent de plein fouet.

— Calliopé. Nous n'avons pas le choix.

Le Chevalier s'était figé. Mais son attention ne quittait pas l'ombre qui ondulait sur la pierre du plafond pour se renfoncer dans les ténèbres se découpant entre les immenses lustres. Ghalard eut un rictus. Tout à coup, les flammes des chandelles brûlèrent haut et fort. L'ombre se tapit dans un recoin et poussa un cri.

— Phénix !

Les doigts d'Alstair se crispèrent sur les siens.

— Tu ne peux pas le sauver.

Calliopé se dégagea et avança. Il voulut agripper une nouvelle fois son bras, mais elle le repoussa.

— Arrête ! cria-t-elle.

— Je ne peux pas te laisser faire !

Elle ne se laissa pas le temps de penser.

Un pas en arrière, mon cher.

Elle sentit nettement la résistance dans l'air. Tant et si bien qu'elle fut à peine surprise de constater que le regard du prince était empli de déception et d'amertume. Sa main, levée vers elle, était immobile. Elle retomba le long de son corps lorsque, après de longues secondes, Alstair recula.

Calliopé s'avança au-devant de Ghalard. Phénix se tenait tout là-haut, accroché à la paroi, ombre sur ombre. Elle le distinguait à peine, mais elle le ressentait, d'une façon inédite. Et elle éprouvait sa peur, et avec elle les nuances complexes d'un millier d'émotions qu'elle ne pouvait déchiffrer.

— Explique-moi. S'il te plaît.

Elle ne pouvait pas laisser Phénix mourir, pas plus qu'elle ne pouvait participer à sa mort. Qu'avait-il fait de mal ? Ces trous noirs... Ils étaient terrifiants, elle l'admettait volontiers : la terre tremblait et se fissurait ; des choses dangereuses surgissaient de la Prose. Mais Phénix lui avait aussi affirmé qu'il voulait changer le monde. Était-ce si terrible, qu'ils trouvent enfin leur place ?

CalliopéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant