Chapitre 23

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Dans la cour de l'Académie, le matin était glacé, tout enveloppé de brume. Le jour se levait aux fenêtres et Alstair n'avait pas fermé l'œil de la nuit. L'air froid qui le giflait et le criaillement des corbeaux perçaient à peine sa fatigue, tandis qu'il avançait lentement sur les graviers.

Ce n'était guère le chemin le plus court pour atteindre leur salle de classe, mais il n'avait pas la moindre envie de croiser quiconque. Seulement, les pas lourds dans son dos lui rappelaient qu'il n'était jamais seul.

— Monseigneur, hâtez-vous, vous allez être en retard.

— Je m'en fiche éperdument.

— Pas moi.

Les cris des corvidés résonnèrent de plus belle. Un nuage de condensation s'échappa des lèvres de Ghalard lorsqu'il soupira.

— Dites-moi au moins pourquoi vous êtes contrarié.

Alstair crispa les poings. Contrarié. Il lui opposa un silence buté. Du pied, il frappa dans un gravier, qui alla finir sa course dans un buisson plus loin, effrayant les corbeaux. Ils s'égaillèrent en une nuée de croassements.

— Votre camarade ne pensait certainement pas ce qu'elle...

— Ne me parle pas d'elle. (Il pivota vers lui.) Et quel besoin avais-tu de lui dire des choses pareilles ? Elle ne m'adressera plus jamais la parole, maintenant !

— Ah. C'est donc cela.

Son Chevalier s'approcha, et, après avoir jeté un discret coup d'œil vers les fenêtres, il entreprit de rajuster la cape d'Alstair. Celui-ci n'était pas dupe de son manège et, malgré son envie de l'envoyer promener, il se tendit, prêt à écouter ce que son protecteur allait lui dire.

— Un vortex s'est ouvert sur la grand-place, souffla Ghalard.

— Un vortex ?

— Ce que vous avez vu dans l'imprimerie. Bien plus étendu.

Alstair sentit une lourde pierre tomber dans son estomac. Il se souvenait de la façon dont il s'était senti mal aux abords du trou noir. La Prose qui avait rampé dans sa gorge.

— Qu'est-ce, exactement ? C'est... C'est de la Prose, n'est-ce pas ? De la Prose à l'état brut.

— Pas ici, coupa le Chevalier. Mais sachez que l'air autour de votre camarade était saturé de Prose hier, après qu'elle s'y est rendue.

— Je sais.

Ghalard fronça les sourcils. S'il avait envie de l'interroger sur sa déclaration, il ne prendrait pas le risque de le faire ici.

— Alors, vous comprendrez que c'est pour le mieux. Vous ne la laisserez pas vous approcher. Les cas de Prose vont se multiplier de façon exponentielle, maintenant.

De façon exponentielle. Il songea au comédien qui avait fait jaillir une lance de ténèbres, à Idalia qui avait fait de la Prose sur Calliopé, à toutes ces fois où sa propre Prose menaçait de prendre le dessus depuis quelque temps.

— Les conditions ne sont pas favorables à votre camarade. Nous ne pouvons prendre le risque qu'elle vous blesse par mégarde.

— Pourquoi ?

Il se dégagea d'un coup sec. Son ton se fit brûlant.

— Pourquoi faut-il que je perde toujours toutes les personnes auxquelles je tiens ?

Ce n'était pas les mots qu'il avait voulu prononcer. Il mordit son poing, car la Prose commençait à teinter chaque syllabe qui naissait dans sa gorge.

CalliopéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant