Vertige.
La nuit d'Airdehaven sur son visage. Glacée. La pluie la rongeait jusqu'aux os et la terre finirait par s'ouvrir sous ses pas.
Phénix s'était volatilisé.
La silhouette sombre du Chevalier devant eux ouvrait la voie, main posée sur son épée.
Les contours d'ébène et d'or du carrosse. Une main dans la sienne, son pied butant contre le marchepied.
La voiture s'ébranla et Calliopé dut fermer un instant les yeux. Pourquoi le monde ne cessait-il pas de tourner ? Son cœur scandait un affreux cri dans sa poitrine, et elle avait envie de vomir. Les cahots de l'habitacle lui coupaient le souffle.
— Tu trembles, chuchota Alstair.
Calliopé baissa les yeux. Oui. Ses doigts tremblaient. Ses doigts tremblaient et elle ne parvenait plus à respirer.
Le pistolet. Braqué sur elle. Sur Phénix. Et puis...
— Je...
Elle porta une main à son cœur. Là où elle s'attendait à rencontrer le tissu rêche de son uniforme, elle effleura une étoffe douce et blanche. La cape du Chevalier. Le corps d'Arzhul, inconscient.
Les doigts encore veinés de noir de Ghalard qui dégrafent sa cape pour la poser sur ses épaules.
Calliopé cilla lorsqu'Alstair attrapa sa main. Sa chair contre la sienne, si douce, si chaude, si inouïe.
— Il ne peut plus rien t'arriver, maintenant, Calliopé.
Il resserra sa prise sur ses doigts, à moins que ce ne fût elle.
— La dernière fois, il m'a dit qu'il avait connu mon père et Boréas. Il les a connus et il a essayé de... de me...
— Les Imprimeurs forment un petit milieu, Calliopé. Rien ne dit qu'Arzhul était vraiment ami avec ton père. Il a peut-être simplement dit ça pour que tu te méfies moins de lui.
Calliopé ne parvenait plus à penser. Il lui semblait qu'elle devait, chaque seconde, rappeler à ses poumons de respirer. L'image d'un canon noir mordait son esprit. Elle ne parvenait plus à rien, en vérité. Les vertiges s'abattaient sur elle comme des vagues, le monde était flou et glacé. Tout s'assombrit autour d'elle.
— Alstair, je... Je ne me sens vraiment pas bien...
Il se rapprocha tout à coup. Non. C'était elle – ses genoux contre le sol. Leurs mains toujours enlacées reposaient désormais sur les genoux d'Alstair ; mais il la lâcha. Il y eut un tambourinement, si prodigieusement semblable à un coup de feu que Calliopé sentit le peu de lucidité qu'il lui restait vaciller.
— Pardon, fit la voix d'Alstair quelque part dans les taches qui grignotaient sa vision, je ne voulais pas t'effrayer.
La voiture s'arrêta.
— Respire, Calliopé.
— Je ne fais que ça, s'étrangla-t-elle.
La main d'Alstair avait retrouvé la sienne. Son pouce frôlait le sien, doucement. Par instant, le métal froid de sa chevalière rencontrait le dos de sa main. C'était agréable. Apaisant. Elle aurait voulu le lui dire, mais elle n'en eut pas le temps.
La portière du carrosse s'ouvrit et Calliopé s'étouffa dans un cri.
— Ce n'est que moi, fit Ghalard. Cela ne va pas ?
La jeune femme secoua la tête.
— Vous ne craignez plus rien. Puis-je ?
— Ghalard, l'interrompit la voix d'Alstair, tu n'es pas en état.
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Calliopé
FantasyÉlève de l'Académie qui forme les meilleurs auteurs du royaume, Calliopé refuse les règles des Muses : dans un monde où la magie tire son essence des mots, elle est trop à l'étroit dans le carcan des formules lisses et versifiées de l'Académie. Jugé...