Et un 2e chapitre pour ce soir ;-)
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Calliopé avait pris l'habitude de venir tôt le matin, lorsque le réfectoire désert était encore plongé dans la pénombre, les tables venant d'être dressées, l'odeur du pain tout juste cuit embaumant l'air.Lorsqu'elle se rendit dans la salle à manger ce matin-là, elle fut donc surprise de trouver le jeune prince attablé face à son petit déjeuner. Son Chevalier montait la garde à quelques pas de lui et Calliopé frémit quand ses yeux se posèrent sur elle. Même dans la relative obscurité du lieu, éclairé par quelques lampes à gaz, elle ne put manquer la façon dont il l'analysait de la tête aux pieds. Voilà quatre ans qu'elle se trouvait à l'Académie, et elle avait toujours vu Alstair accompagné de son Chevalier. Néanmoins, elle ne s'était jamais habituée à ce regard scrutateur qu'il posait sur tous ceux qui s'approchaient trop près du prince.
Elle tâcha de reprendre contenance et, avec un air plein de défi, elle s'assit en face d'Alstair. Elle se demanda si le Chevalier allait la chasser, ou pire. Le Chevalier la scrutait, mais il ne semblait pas sur le point de lui passer son épée à travers le corps. Était-ce possible... qu'Alstair n'ait rien dit ? Qu'il ait dissimulé l'incident ? Si le regard du protecteur n'était pas particulièrement avenant, elle parvenait à en faire abstraction pour fixer son attention sur le prince. Un bol de porridge se trouvait devant lui, et sa main était serrée sur sa cuillère. Calliopé, elle, attrapa un petit pain et le pot de marmelade. Elle ne comprenait pas comment un prince pouvait se contenter d'une bouillie sans saveur, alors que des petits pains encore chauds se trouvaient là tous les matins. S'était-il lassé des fastes du palais ? Elle ne pensait pas cela possible.
— Je ne m'attendais pas à avoir de la compagnie à cette heure, observa Alstair.
— Je viens toujours tôt. Tu le saurais si tu...
Calliopé se tut et ravala la pique qu'elle s'apprêtait à prononcer. Elle n'avait pas envie d'établir un sujet de discorde supplémentaire entre eux. Si Calliopé inaugurait chaque matin le somptueux buffet de l'Académie, elle avait toujours supposé qu'Alstair, lui, arrivait parmi les derniers, ou bien qu'il avait la plupart du temps son petit déjeuner seul dans sa chambre, ou peut-être encore qu'il n'en prenait pas du tout, car elle ne l'apercevait jamais.
Elle se racla la gorge et désigna d'un mouvement de menton son bol de porridge.
— Une fringale matinale ? Ont-ils oublié de vous servir des petits-fours pendant l'entracte, hier soir ?
— Tu le saurais, si tu avais été invitée.
Elle plongea avec un peu trop de force sa cuillère dans le pot de marmelade. Le verre tinta lorsque le couvert en toucha le fond. Son attaque, ou l'embarras, lui fit rougir les joues. Mais il lui tendait une perche qu'elle aurait été bien folle de ne pas saisir.
— J'aimerais m'expliquer. Pour hier soir. Seule à seul.
— Nous nous sommes déjà expliqués.
— Je ne t'ai pas tout dit, improvisa-t-elle.
Alstair la jaugea en silence durant quelques secondes puis, d'un geste, il congédia son Chevalier. Après un moment d'hésitation, les pas lourds de l'homme résonnèrent sur le sol de pierre – puis l'écho des battants qui se referment.
Ils restèrent un instant là, à se dévisager dans la lueur du jour qui se levait à travers les fenêtres. Sous la lueur de l'aube, les cheveux d'Alstair prenaient une teinte dorée, et ses yeux bleus étincelaient. Surtout, il n'y avait rien qu'eux deux, comme la veille dans la voiture, comme la veille dans la bibliothèque.
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Calliopé
FantasiÉlève de l'Académie qui forme les meilleurs auteurs du royaume, Calliopé refuse les règles des Muses : dans un monde où la magie tire son essence des mots, elle est trop à l'étroit dans le carcan des formules lisses et versifiées de l'Académie. Jugé...