Les flammes jaillissent par les fenêtres, lèchent les briques noires et s'élancent à l'assaut du toit.
— Par les moustaches de Bastet !
Meidoun bascule son poids, freine dans une protestation de bois et saute de sa planche juste sous le nez des premières langues voraces. Des cris s'élèvent. Un début de panique s'empare de la rue populeuse.
Meidoun ne s'arrête pas pour réfléchir. Il perd rarement du temps avec ce genre de détail. C'est bon pour les scribes devant leur tablette, calame en main. Le carré de la porte s'ouvre devant lui. Deux enjambées, un coup ajusté dans le battant, il plonge.
Des lueurs rouges dansent entre des nids de pénombre. Un rideau s'embrase. Un concert de crépitements lui souhaite la bienvenue. L'incendie vient juste de se déclarer. Sûrement, il y a du monde à l'intérieur.
— Ohé ?
La chaleur lui racornit les cils. Une chaleur à rôtir un bœuf, ou un garçon trop téméraire. Un pincement de doute s'invite dans le battement d'urgence. Un reste de bon sens, peut-être ? Meidoun l'écarte d'un crissement de dents, lève un bras en protection et avance d'un pas.
— Ohé ?
Il plisse les yeux. L'air lui-même paraît s'embraser, déformé, voilé de fumée. Un panier bascule dans un vomi d'escarbilles. Pas le genre de fête qui attire les foules. La grande pièce semble déserte. Ou bien... ?
Là, une ombre !
Au milieu de la poignée de meubles d'une modeste demeure égyptienne, sur une natte près du four, un homme tente de se relever, tousse, retombe à genoux. Les flammes gagnent du terrain, rampent sur les roseaux, savourent chaque morceau tendre. Un monstre débridé. Il ne fera qu'une bouchée du bonhomme.
Meidoun s'élance.
Il connaît la morsure du soleil en plein été. Il a déjà trimé sang et eau sous les rayons du zénith, à porter des caisses ou balayer le marbre du gymnase. Il s'est même brûlé, plusieurs fois, parce qu'une seule leçon lui suffit rarement. Tête trop dure, dirait sa mère. Toutes ces expériences enrichissantes n'ont rien à voir avec la bouffée ardente qui l'accueille. Là, il a l'impression de sauter à pied joint dans le four à pain.
Ses yeux le piquent. Semi-aveuglé, il s'empare d'un bras, reçoit un gémissement pour réponse. Le gars est conscient, loué soit Bès !
— Allez, on se tire d'ici !
Il relève la tête. Un mouvement, aperçu de coin de l'œil, près de l'escalier qui monte sur le toit. Un autre gars, dans cette fournaise ?
— Eh, revenez, tout peut s'effondrer !
Son appel s'étrangle sur une toux. La fumée noie les contours, sa voix et toute idée stupide d'excursion plus approfondie. Pas de réponse. Plus de mouvement. Les craquements s'intensifient. Tous les roseaux de la structure ont disparu sous des guirlandes rouge et or. Chaque carré de peau le démange. Meidoun ne réfléchit peut-être pas beaucoup, n'est pas aussi instruit que les grands maîtres de la bibliothèque, mais un instinct de survie lui souffle de mettre les voiles, vite, très vite ! Meidoun écoute ses instincts.
— Bah, qu'Anubis l'emporte !
D'un roulement de hanches, il passe le bras du gaillard par-dessus son épaule, l'autre trébuche, lui crache ses poumons dans l'oreille, mais pousse un pied devant l'autre. Brave gars !
Meidoun marche au jugé. Où a disparu cette foutue porte ? Elle ne peut pas avoir fugué bien loin, la perfide ! La pièce n'est pas grande. Une simple maison de travailleur, comme toutes celles du quartier de Rhakôtis, comme la sienne. Un souffle l'appelle, un dernier pas s'accompagne d'une baisse appréciable de la température. Dehors !
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Les Flammes de Pharos
FantasyUn festival. Deux royaumes en guerre. Une créature infiltrée depuis le monde des Dieux. Alexandrie, l'écrin des Muses, son phare immuable. Tout le monde grec se presse pour participer aux jeux organisés par le pharaon : l'occasion de briller de prou...