25. Celle qui suit un chat dans la nuit (2/2)

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Le chat avait disparu dans le temple. Peut-être entre les piliers, derrière une statue ou par le carré obscur menant au sanctuaire. Elle a appelé, déçue, mais il ne revenait pas.

Elle s'est arrêtée dans la cour sans oser franchir le seuil. L'accès au sanctuaire est réservé aux prêtres. Elle n'était pas encore la fille d'Isis, à ce moment-là, mais elle le savait déjà.

Juste à côté, un général de pierre montait une garde immobile. Elle le reconnaissait. Elle était passée devant ce fronton, ces colonnes, cette statue avec Paneb, un jour, et il lui avait raconté la venue du conquérant, l'héritier du héros Achille. L'homme qui a chassé les Perses avec sa lance invincible et ses phalanges d'éléphants. Celui qui a bâti Alexandrie d'après un songe.

Alexandre le Grand.

« Il protège la cité et même toute l'Égypte ! » avait dit Paneb. Peut-être, mais il ne protège pas les petites filles qui suivent les chats dans la nuit.

Deux hommes sont sortis. Ils se pressaient, lui sont presque rentrés dedans avant de la voir. Ils venaient du sanctuaire, mais ils n'étaient pas des prêtres.

L'un tenait une lance tronquée, l'autre un éclat de métal.

La lame brillait sous la lune, comme aujourd'hui.


Sur son rocher, l'homme se tourne. Vers elle. Ahmasis ne voit pas son visage, juste l'éclat d'un regard, noir comme la mort. Elle se recroqueville, une main sur la gorge. Elle ne peut pas plus fuir qu'autrefois, comme si deux poings solides se refermaient sur ses épaules.

Elle est prisonnière d'un souvenir.


Elle a voulu faire demi-tour – fuir ou disparaître dans un trou, comme le chat. Elle était petite, elle ne connaissait pas encore Isis, l'Autre Côté, les voix des esprits, mais elle savait que les deux hommes n'auraient pas dû être là.

Le plus grand l'a attrapée et s'est penché sur elle.

Elle l'a vu, sûrement, à ce moment-là. Khonsou scintillait dans le ciel, les étoiles aussi. Il y avait même un brasero, toujours allumé dans la cour, comme dans le temple d'Isis. Pourtant, dans son souvenir, les deux profanateurs n'ont pas de visage, pas plus que les ombres qui appartiennent à l'autre rive. Elle a oublié, ou refuse de se souvenir. C'est un peu la même chose.

Une gamine, laisse-la ! a dit le maigre.

Il avait un drôle d'accent.

Trop tard. Elle nous a vus.

Le grand à la voix de tonnerre l'immobilisait d'une main. Il a levé l'autre – celle qui tenait le morceau de fer. Elle a voulu crier, mais ses cris restaient prisonniers. Ils avaient trop peur de sortir.

Elle a plongé dans les yeux de l'homme, noirs comme le fond d'une citerne. La couleur de la mort.

Une pression sur sa gorge, une douleur, un liquide chaud dans son cou.

Pas de témoin.

La poigne l'a lâchée. Elle a coulé sur les dalles de marbre, comme les gouttes sur sa peau. Des pas se sont éloignés, mais elle n'entendait pas bien. Elle avait trop mal, elle n'arrivait plus à bouger.

Le chat était parti, il ne voulait plus jouer. Le liquide tachait sa robe. Maman serait fâchée. Paneb la taquinerait.

Puis elle a basculé dans un puits de lumière.

Les Flammes de PharosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant