Meidoun manque d'emplafonner Calyx qui s'est arrêtée juste derrière la porte. Il tend le cou par-dessus son épaule. Impossible de distinguer plus qu'un halo diffus, perdu au fond d'une forêt de papyrus.
— Quel farfelu travaille encore à cette heure ?
Leur experte en bibliothèque pivote d'un mouvement vif, l'œil fulminant.
— Quelqu'un passionné par la science et les connaissances ! Mais tu ne peux pas comprendre.
Meidoun rattrape sa réplique du bout des dents. Ce n'est pas le moment d'une prise de bec et sa relation avec Calyx a déjà bien trop dérapé à son goût pour aujourd'hui. De toute façon, elle se détourne déjà avec un soupir inquiet.
— J'espère que ce n'est pas Calléas. Il pourrait avoir de gros ennuis... à cause de moi.
Meidoun retrousse le nez. Que doit-il en penser ? Elle s'angoisse plus pour un gratte-papier, le cul posé sur son tabouret, que pour lui qui dévale les rues d'Alexandrie, affronte un dangereux bandit à mains nues et la sauve d'une mort certaine ! Il n'y a pas de justice ! Maât a dû partir en voyage à l'autre bout du royaume.
— Où sont les papyrus que tu cherches ? intervient Ériphos dans un murmure.
— L'accès est dans le bureau de Mnestôr.
Calyx tend le doigt vers une porte à mi-chemin, noyée dans l'ombre de deux colonnades. Parfait, ils n'auront même pas besoin de s'approcher de la source lumineuse. Le scribe insomniaque pourra continuer son travail, sa passion ou toute autre activité, en complète ignorance de leur passage.
Il a pensé trop vite – comme souvent.
Le chat choisit cet instant précis pour échapper d'un bond souple à l'étreinte de sa jeune maîtresse. Ahmasis pousse un cri de souris et s'avance d'un pas.
— Méaâ ! Méaâ, reviens ! souffle-t-elle.
L'insupportable matou s'éloigne, queue dressée, moustaches frémissantes. Il a peut-être senti un rat ? L'endroit doit en regorger, avec tous ces papyrus et ces alcôves.
Meidoun roule des yeux.
— Et qui emmène un chat dans une mission d'infiltration ?
Il ignore l'œil noir de Calyx, referme une main sur le foulard d'Ahmasis pour prévenir tout dérapage et donne un coup de tête en direction d'Ériphos.
— Vous, allez dans le bureau. Moi, je m'occupe du fugueur.
— C'est une fille, proteste l'apprenti prêtresse.
Pourquoi est-ce que cela ne l'étonne pas ? Toutes les mêmes ! Meidoun retire ses sandales, les coince sous son bras et s'élance après la fourrure tachetée qui serpente, comme chez elle, sur la longue table de lecture, entre les pots à calames, les notes oubliées et les piles de tablettes.
Ses pieds nus épousent les dalles. Pas un rouleau ne frémit. Plus silencieux qu'une brise, il se rapproche de la queue oscillante, plantée sur son insolent popotin. Il contourne un tabouret, passe sous le nez d'une statue. Il y est presque ! Tel un faucon, il fond sur sa proie.
Sa main se referme au collet de la bestiole. Il s'étale sur la table, son coude heurte un pot, qui oscille, hésite, se renverse et dégorge sa cargaison de calames. Meidoun retient un juron, plaque la main sur la débandade de roseaux. Un dernier lui échappe, presque sous nez, roule jusqu'au rebord et chute sur les dalles.
Tic, tic, tic.
Meidoun se fige. Semi-allongé dans une position inconfortable, un chat dans une main, il se tord le cou pour apercevoir le fond de la salle. Une ombre studieuse se devine, penchée sur une table solitaire. Elle ne bouge pas, n'appelle pas. Concentrée sur son travail, elle n'a rien entendu. Il relâche l'air bloqué dans ses poumons et s'autorise un sourire de satisfaction, rien que pour lui. Une pêche fructueuse.
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Les Flammes de Pharos
FantasíaUn festival. Deux royaumes en guerre. Une créature infiltrée depuis le monde des Dieux. Alexandrie, l'écrin des Muses, son phare immuable. Tout le monde grec se presse pour participer aux jeux organisés par le pharaon : l'occasion de briller de prou...