16. Les sirènes de la connaissance (2/2)

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Ériphos recule d'un pas, heurte le mur, détourne la tête. Ses boucles noient son regard et tirent un rideau sur le secret de ses pensées.

— Tu... tu te trompes. Il n'y a rien de tout ça.

Il plaque la main sur son torse, la referme sur du vide, se crispe comme une gazelle acculée. Calyx devine qu'il cherche son pendentif. Le scarabée et le symbole du ka. Elle n'a pas eu l'occasion de le lui rendre. Une poussée de curiosité éclate comme une bulle. D'où lui vient-il ?

— Je ne me trompe pas, insiste Ahmasis, peut-être pas très judicieusement.

Il est évident que l'aède ne veut rien entendre. Enfin, évident, pas pour tout le monde. Meidoun choisit ce moment pour intervenir avec la subtilité d'un éléphant dans une bibliothèque.

— Et si tu essayais ? On ne sait jamais !

L'Égyptien agite les doigts, son sourire idiot planté au milieu de la figure. Ériphos se détend comme un cobra et le repousse des deux mains.

— Laisse-moi !

Meidoun trébuche en arrière, surpris par l'agressivité inattendue plus que par sa force.

— Eh, je...

— Contrairement à ce que tu sembles croire, il ne suffit pas d'affirmer pour que la réalité se plie à tes désirs !

L'aède secoue la tête, jointures blanchies de colère. Calyx ne distingue même plus ses yeux sous la toison qui lui coule sur le nez. Sa voix crépite. Il paraît sur le point d'imploser, même si elle n'est pas sûre de comprendre pourquoi la suggestion le met dans cet état. Ils sont tous trop tendus, voilà tout. L'expérience qu'ils viennent de vivre, le bouleversement, la peur de l'inconnu. Elle-même n'est pas certaine de raisonner avec toute la lucidité nécessaire.

— Mais je..., proteste l'échalas qui n'a pas deux sous de jugeote dans le crâne.

— Ça suffit ! coupe Calyx. Laisse-le tranquille.

Il a le bon goût de fermer son clapet. Un bon point. Ainsi, elle peut réfléchir au calme.

— Nous allons procéder autrement.

Deux paires d'yeux pivotent vers elle et une troisième, plus petite, plus globuleuse, déstabilisante. La queue s'agite. Si cela ne sonnait pas ridicule, elle pourrait presque imaginer que la salamandre approuve.

Calyx se masse l'arête du nez. Elle se rend compte qu'elle n'envisage même pas de plier bagage, de retourner à la forge et de tout oublier. Comment pourrait-elle ? La curiosité s'est enracinée bien trop profondément. Impossible à extirper. Il faut qu'elle comprenne. Et pour comprendre...

— Je dois aller à la bibliothèque.

La solution paraît évidente. Des papyrus doivent mentionner ces créatures. Quelqu'un, avant elle, s'est forcément interrogé sur leurs origines, leurs pouvoirs. Peut-être pas dans les sections traditionnelles, mais au sous-sol, dans cette fameuse réserve mentionnée par Calléas sur un élan d'enthousiasme.

— Oh oui, souffle une voix pensive, je connais bien la bibliothèque.

Calyx sursaute sous un courant d'air froid qui lui descend dans le cou. Meidoun et Ahmasis regardent autour d'eux, alarmés. Même Ériphos a glissé un œil de sous ses boucles. Le corridor reste désert, peuplé uniquement de pierres scellées, de statuettes déposées en offrande et de hiéroglyphes grossiers. Qui a parlé ? Avant même d'avoir identifié la source de l'intervention, un pressentiment lui serre la gorge.

Elle lève le nez et la voit.

Une jeune fille de son âge balance les jambes depuis l'appui d'une alcôve, tout aussi close que ses voisines. Son corps translucide émerge de la pierre pour se pencher, intrigué, vers les paires d'yeux qui l'observent.

Les Flammes de PharosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant