13. Celle qui cherche son chemin (2/2)

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Ahmasis retient son appel d'une main sur la bouche. Maintenant, Khémetensen tourne sur elle-même, surveille la foule. Sa grimace pourrait effrayer Sekhmet la lionne elle-même ! Sa main n'a pas quitté la poignée du khopesh. Ahmasis se recroqueville entre les plis du chiton de pierre. La chasseuse a-t-elle reconnu Méaâ ? Devine-t-elle ? Va-t-elle s'approcher, tirer son arme ? Ahmasis arrête le fil de ses questions d'un gémissement. Isis la protège, Isis la protège, Isis la protège.

La procession s'éloigne. Khémetensen hausse les épaules et reprend sa route. Ahmasis respire aussi fort que si elle avait couru tout le chemin depuis Pharos. Ses jambes tremblent comme des papyrus dans le vent. Elle n'ose pas sortir de sa cachette. Pas encore. Alors, elle lève les yeux vers le géant de pierre qui l'a abritée.

Un général en cuirasse et chlamyde veille sur les allées et venues de la plus grande avenue d'Alexandrie. Bouclier au bras, lance à la main, il semble attendre ses troupes avant de partir au combat. Son visage sévère porte jusqu'à la nappe bleue de la mer, au trait de l'horizon et à la fumée du phare.

Ahmasis s'étrangle sur un cri. Des souvenirs éclatent dans sa tête et pénètrent comme des échardes. Un voile épais retombe sur ses yeux.


La lune.

Khonsou brillait au-dessus des toits.

Un chat courait dans les rues.

Elle courait après lui.

Un jeu.

Il y avait des colonnes, une statue, un temple.

Ce temple.

Un homme s'est penché sur elle, il a tendu la main.


— Non !

Ahmasis écrase les images de deux poings sur ses yeux. Tout son corps vibre. Un goût affreux lui remonte à la gorge. Ça pique ! Son cou la démange.

— Non !

Les souvenirs appartiennent à l'ancienne Ahmasis, comme les ombres, comme Paneb. Elle n'en veut pas ! Elle est la fille d'Isis, désormais. Elle n'a plus peur.

Une langue râpeuse lui chatouille le bras. Ahmasis soulève une main. Un museau familier la renifle, la pousse, réclame une caresse. Elle relâche un soupir. Ses doigts se fondent dans la toison cendrée, les images se diluent dans les yeux d'émeraude.

Ahmasis se redresse, lisse sa robe, plonge le nez dans son foulard. Loin devant, au pied de l'obélisque, la procession bifurque vers les hauteurs du Bruchéion. Le danger est écarté. Les ombres ont reflué là où dorment les songes. Ahmasis quitte le temple, sans le regarder, sans croiser le regard du fier guerrier.

Les prêtres et prêtresses se sont arrêtés près du muret affaissé d'une vieille maison. La porte bâille sur ses gonds, la cour n'a pas été balayée depuis longtemps et jamais maîtresse Chédi n'accrocherait un rideau dans cet état. Tout un attroupement de curieux surveille les agissements depuis une saine distance. Les commentaires bruissent comme un nuage de mouches. La grosse femme agite toujours ses morceaux de poterie entre des bribes de potins.

Aplatie derrière le tronc rugueux d'un sycomore, Ahmasis observe.

Khémetensen arpente les pavés. Elle renifle les roseaux défraîchis, inspecte les herbes folles, remonte la rue vers les heurts réguliers d'une échoppe de forgeron. Ahmasis se mordille la lèvre. Et maintenant ? La créature est-elle encore sur place ? Comment la dénicher ?

De l'autre côté de la rue, un drôle de couple s'est arrêté. Une jeune fille contemple le rassemblement avec un air effaré. Ses yeux glissent vers les psalmodies des prêtresses et les chants sacrés. Ses doigts hésitent autour des perles d'un collier – rouges irisées. Ahmasis aime bien leur couleur. Le garçon qui l'accompagne lui pose une question et secoue une toison de boucles. Elle le reconnaît.

Les Flammes de PharosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant