Maître Phémios rassemble les pans de son himation et gonfle le torse.
— Je cherche un bibliothécaire.
— Vous en avez une devant vous, monsieur. Je m'appelle Sophila.
La femme s'incline d'un angle subtil – plus un salut entre égaux qu'une dévotion envers un maître. Ériphos s'égare sur la poitrine généreuse ainsi offerte, sent une chaleur lui chauffer les joues. Un coup de coude lui rentre dans les côtes. Nicaios lui lance un clin d'œil lourd de sous-entendus grivois. Maître Phémios, lui, semble imperméable aux charmes de l'intelligence. Son regard papillonne vers les visages studieux, à la recherche de quelque autre responsable, plus masculin. Personne ne s'avance.
Il se frotte la barbe.
— Hum, c'est une plaisanterie ?
La bibliothécaire étire des lèvres aussi fines qu'un trait de calame sans paraître goûter la moindre hilarité. Un souffle d'orage traverse ses prunelles.
— Ce n'est pas la Grèce, ici, monsieur. En Égypte, les femmes n'ont pas besoin de l'accord d'un tuteur pour mettre le pied dehors. Ici, elles possèdent des commerces, travaillent, étudient, enseignent et peuvent même intenter des actions en justice à ceux qui leur manquent de respect.
De sa position, Ériphos peut constater l'intéressant panel de pigmentation faciale de son maître, entre gêne, colère et outrage. Nicaios se tient les côtes en silence. Nul doute qu'il verrait d'un bon œil la présence de quelques filles dans leur cercle d'apprentis. Nul doute que, pour cette même raison, jamais leur maître ne l'autorisera.
Le chef de la délégation athénienne se reprend d'un raclement de gorge.
— Je suis Phémios, arrivé d'Athènes il y a deux jours. Je viens réclamer les textes qui m'ont été empruntés à mon débarquement. Pouvez-vous prévenir votre responsable ?
La dénommée Sophila courbe son agacement sous un masque de politesse. Sans doute traite-t-elle régulièrement avec les Grecs des cités. Elle doit bien connaître leurs coutumes, même si elle ne les apprécie pas.
— Ne vous inquiétez pas, ces documents sont entre de bonnes mains. Nous souhaitons juste en établir une copie. Je peux vous renseigner sur leur statut actuel, de quels textes s'agit-il ?
Maître Phémios fronce un nez dubitatif, mais aucun homme ne s'approche en renfort, auquel il pourrait adresser sa requête.
— Les chants de l'Iliade et de l'Odyssée, d'Homère.
— Je vois. Venez, je crois que Calléas a terminé sa retranscription.
Tête haute, menton fier, la bibliothécaire s'éloigne dans un gracieux envol de châle sans même attendre de réponse. Un général au milieu d'une armée de scribes.
Maître Phémios lui emboîte le pas, un battement de cils plus tard. Sophila s'est déjà arrêtée devant une alcôve que rien ne distingue des autres, garnie de papyrus fleurant bon l'encre fraîche.
— Comment parvenez-vous à vous y retrouver ? s'étonne Nicaios, énonçant tout haut la question qu'Ériphos formulait tout bas.
— Nous suivons le système de classement mis au point par Callimaque de Cyrène. Les rouleaux sont d'abord triés par thèmes, puis ordonnés selon la première lettre de leur titre. Tout le contenu de la grande bibliothèque est également consigné dans les pinakes, avec son origine et l'alcôve où il est stocké.
Sans interrompre le fil de ses explications, Sophila plonge son nez délicat dans le contenu de la niche et en extrait une brassée de feuillets.
— Voilà vos textes, monsieur.
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Les Flammes de Pharos
FantasyUn festival. Deux royaumes en guerre. Une créature infiltrée depuis le monde des Dieux. Alexandrie, l'écrin des Muses, son phare immuable. Tout le monde grec se presse pour participer aux jeux organisés par le pharaon : l'occasion de briller de prou...