Arjen
Heita était un héritage des premiers géants. Il était l'un des nombreux pèlerinages qui ne s'étaient pas perdus dans le temps, pourtant né à une époque où la langue des miens n'était encore des runes. Aujourd'hui, je partageais l'un des plus beaux avec l'être le plus envoûtant d'Ynrï. Je peinais à en revenir : de tout ce qu'il s'était passé ces derniers mois, de notre rencontre, de ce que nous avions déjà partagé, de la puissance qu'un si petit homme pouvait dégager et ainsi m'enchaîner à ses pieds.
J'étais fier de mes ancêtres, de mes racines, de mes coutumes, des miens, mais, pour la première fois de ma vie, je comprenais à quel point il était important d'avoir Jötnar à ses côtés. Cet individu qui secondait l'Einherjar, le guidant avec le cœur, comme mon père avant moi et tous ceux qui nous avaient précédés. Aujourd'hui, j'avais trouvé le mien, mon cœur, ma plus grande fierté parmi toutes. Et je ne pouvais en détourner le regard.
Debout, l'un en face de l'autre, nous étions face à Land, à ses pieds, juste devant la petite estrade recouverte de peaux de bêtes. Plongé dans son regard doux, dont les reflets oscillaient avec les flammes des bougies allumées dans le temple, mon cœur tambourinait plus fort encore que le tam-tam constant des tambours autour de nous. Alors, je ne vis qu'à peine qu'enfin les géants que nous avions préalablement choisis pour nous assister nous ramenaient nos présents.
La cérémonie de notre union était constituée de plusieurs étapes et la première était un échange : un cadeau précieux, inestimé, que nous faisions à l'autre avec, sur lui, un anneau de métal gravé des runes de l'union et de ce qui l'a caractérisé ; forgés par les maîtres aciers, mais gravé par à Amma. Gudbrand arriva près d'Adiel avec son présent. Ce dernier était enroulé dans une étoffe d'un bleu intense. Egbert s'arrêta à mes côtés, une étoffe blanche brodée d'argent dissimulant le mien.
Je laissai à Adiel l'honneur de découvrir son présent. Gudbrand tendit les bras et Adiel défit l'étoffe bleue dans des gestes délicats, d'une prudence excessive qui le rendit plus désirable encore. Ce cadeau... avait été forgé avant même son arrivée ici. Il l'avait été dès que j'avais pris la mer pour retrouver la cité des Hommes, mais à mon retour, j'avais demandé à le modifier. Adiel le découvrit, le regard humidifié par l'émotion.
L'anneau manqua de tomber lorsque l'étoffe chuta sur ses pieds, mais je le rattrapai. Je la gardai pour le moment.
Je lui laissai tout le loisir de porter son cadeau. Il le prit prudemment et la brandit proche de lui. Il s'agissait d'une lance, symbole des soldats de Hemel. Ces dernières étaient d'ordinaire rutilantes, en argent, dont la longue lame tranchante pouvait venir à bout de la coque d'un bateau et elles étaient toujours décorées à la couleur de la cité des hommes. Mais pour ce présent modifié, je savais que l'argent sied moins à elska que la couleur chaude de l'or. Et que les saphirs, dont le bleu rehaussait sans cesse sa peau d'hydromel, n'auraient pu qu'embellir cela. Alors, nous l'avions modifié, entourés sa tige d'un ruban runique bleu.
Je sus que mon choix avait été le bon. Il était magnifique à la brandir comme la plus naturelle des choses, à la regarder comme la plus belle arme qu'il aurait pu porter dans ses mains délicates. J'étais euphorique, à tel point que j'ignorais comment je pouvais encore tenir sans l'enlacer devant tous et envoyait au dieu déchu du vent tous ceux qui auraient quelque chose à dire à ce propos. Mais je ne tenais bon.
Lorsque mon tour vint, ce fut une émotion toute différente. Adiel prit la bague à son tour, un sourire candide aux lèvres, mais son présent à mon égard... fit frémir mon âme.
Chez les géants, il existait une coutume que tous tenaient très à cœur. Lorsqu'un père mourait, son arme revenait à son fils ; lorsqu'une mère mourait, son arme revenait à sa fille. L'on grandissait tous avec une arme qui était forgée pour nous à notre majorité guerrière. Les armes de nos parents n'étaient alors que des symboles de ce qu'ils avaient été, une façon de les honorer, mais, pour ma part, je n'avais jamais eu droit à cela. Mon père s'était battu contre les hommes et y avait laissé son arme. Lorsque je l'avais affronté pour obtenir sa place, ça n'avait été ni son arme ni le véritable Haagen.
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BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)
FantasíaLes géants ont bonne mémoire. Ils se souviennent toujours des vieilles convoitises de leurs ancêtres, de tous ceux qui les ont précédés. Alors lorsque leurs yeux se posent sur les jusquiames noires, joyaux de la couronne humaine, leurs vieux désirs...