Réveillon - partie 2

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— Il s'est passé quoi en mon absence les gars ? demande Abel.

— Un des Sergents du Corps Francs s'est fait descendre par les Allemands hier. On n'a même pas pu récupérer son corps, dit Pierre.

— Comment on l'a su ?

— Le chef de patrouille a été blessé mais s'en est sorti. Il a été ramené par Joulié.

— 2 jours avant le reveillon de Noël... Salauds de boches !

— Comme tu dis...

— Entre ça et les victimes des mines, ça commence à faire beaucoup. J'voudrais bien rentrer chez moi sur mes deux pieds à la fin de la guerre moi.

— Moi et Adrien, on compte bien continuer dans l'armée après. Pas toi ?

— Je suis pas fait pour être soldat comme vous les gars. Moi je voulais juste donner un coup de main pour foutre les boches dehors. Je tirerais mes trois mois après l'armistice et une fois que ça s'ra fait, je me trouverais un petit coin tranquille où m'installer.

— J'en connais un qui va convoler dès la fin de la guerre ! Elle en pense quoi ta Marguerite ? Elle en pince pour toi ?

— Faut croire que j'ai de la chance...

— J'en étais sûr ! Veinard va. En plus c'est du tout cuit, tu connais sa famille depuis des années, c'est l'idéal.

— Vous vous installerez dans le Lot ?

— Non, j'irais sûrement en île de France. J'ai toujours bien aimé la région.

— Ta future belle famille doit être sacrément sympathique pour que tu veuilles t'installer si près d'eux. Moi je me tiendrais bien à l'écart du père si j'étais toi. Ils aiment jamais trop les hommes qui leur enlèvent leur fille.

— On n'est pas encore officiellement fiancés, on attend la fin de la guerre. Et puis, je connais ses parents depuis l'enfance et je t'assure que y'a pas de gens plus gentils qu'eux. En plus, ils ont aucune raison de se méfier de moi, je suis pas comme toi !

— Comme moi ? Non mais tout de suite les grands mots ! Je suis l'incarnation du gendre idéal. D'ailleurs, elle aurait pas une troisième sœur ta Marguerite ?

— Non, désolé vieux. Même si c'était le cas, je te présenterai jamais !

Un sourire étire malgré moi mes lèvres en imaginant Madeleine avec ce Don Juan de Pierre. Non, décidément, ils n'iraient pas du tout ensemble. Peut-être est-ce une sorte de réflexe protecteur envers ma marraine qui me pousse à intervenir dans la discussion ? Toujours est-il que j'ajoute mon grain de sel pour décourager mon ami dans ses projets.

— Comme si tu étais près à te caser. Tu aimes trop jouer au séducteur et briser les cœurs de ces dames, dis-je.

— Bah, vous êtes tous les deux jaloux c'est tout. Pour ce que j'en sais, tu n'es pas vraiment en reste Adrien. Entre Simone, Madeleine et même Alice, tu ne t'en fais pas.

— Hé ne nous met pas dans le même panier toi et moi. Tout ce que je fais c'est entretenir une correspondance.

— Allez tu ne vas pas nous faire croire que tu n'as jamais embrassé Simone ?

— Et bien non, figure-toi.

Il est vrai que nous nous voyons régulièrement et que nous nous écrivons encore plus fréquemment. Je comprends l'étonnement de Pierre mais j'aime assez la teneur de nos rencontres et de nos discussions légères pour ne pas vouloir les changer dans l'immédiat. Cela dit, je mentirai si je disais que je n'ai jamais songé à l'embrasser. Mais chaque chose en son temps, je n'aime rien précipiter. D'autant que, dernièrement, je me surprends à penser de plus en plus à ma lointaine correspondante de Nanterre.

Marraine de guerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant