Noël a fait place au jour de l'an plus vite que je ne l'aurais imaginé. Nous voilà déjà rendus
aux journées glaciales de février avec son lot de bourrasques venteuses, de chutes de neige et de gelées. La météo me paraît aussi optimiste que mes chances, si tant est qu'il m'en reste, de devenir un jour officier.
J'ai appris par voie postale que ma désertion de l'école militaire serait un obstacle à mon projet d'entrée à Saint Cyr car on me reproche, contre toute logique, d'avoir pris le maquis. Il aurait fallu que je collabore bien gentiment avec les Boches et que j'effectue mon Service de Travail Obligatoire en Allemagne, dont je ne serais toujours pas revenu, pour que mon avenir ne soit pas compromis. J'avoue que la morale de la situation m'échappe. Pierre, dont le cas est similaire au mien, est lui aussi scandalisé, si bien que nous avons décidé d'écrire au ministère le mois dernier sur les conseils de mon père. J'ai aussi écrit au commandement d'Autun pour obtenir plus de renseignements. Réponse m'a été faite de fournir un certificat de présence au corps ainsi qu'une copie de mon acte d'engagement pour qu'ils puissent investiguer. J'ai fait le nécessaire et ne peux rien faire de plus que de patienter. Pendant ce temps, je préfère rejeter les propositions qui me sont faites dont la dernière en date m'offre une opportunité dans la gendarmerie, assortie d'une convocation pour l'école de Roman. Pour conserver mes chances de devenir gradé, j'ai signé mon refus, devant le regard désapprobateur du capitaine de ma section qui semble hermétique à mon point de vue. Il m'a fait savoir, sans trop de délicatesse, que je ferais mieux d'y regarder à deux fois avant de dédaigner l'offre en question et que le devoir exigeait que je me rende là où l'on avait besoin de moi.
Je repense à cette scène sur le chemin de son bureau, m'apprêtant à lui en servir une version similaire si d'aventure cette entrevue concerne une nouvelle proposition décevante.
— Sergent Bravet, j'ai une bonne nouvelle pour vous. Vous êtes reçu à l'école des Cadres d'Hourtin pour y effectuer un stage du 10 au 31 Mars prochain.
Les rouages de mon cerveau s'actionnent à toute vitesse, tentant d'analyser l'équation qui se présente à moi. Hourtin c'est la porte à côté, tout juste vingt kilomètres. L'aubaine ! Ce n'est pas la clé vers St Cyr mais c'est toujours bon à prendre.
— Alors Sergent ? Que décidez-vous ?
— Est-ce que le Sergent Bellamit s'est vu offrir la même possibilité ?
— Pas à ma connaissance non.
— Avec tout mon respect Capitaine, je ne crois pas que je pourrais accepter sachant que Pierre restera ici. Nous sommes dans la même situation, ce ne serait pas juste.
— Bravet, vous passeriez vraiment à côté de cette opportunité par solidarité ? Vous pensez qu'il en ferait de même pour vous ?
— Sans aucun doute Capitaine.
Il mesure du regard ma détermination, tentant probablement d'évaluer le degré de stupidité qui m'habite. Qu'il pense ce qu'il veut, je m'en moque !
— Vous êtes une épine dans mon pied Bravet. Mais je vous aime bien. J'inscrirai Bellamit sur la liste.
Tout guilleret en sortant du bureau, je m'empresse d'aller trouver Pierre pour lui annoncer la bonne nouvelle.
— Merci mon vieux, je t'en dois une ! On va fêter ça avec les copains de la section ce soir ?
— Désolé, je suis déjà pris.
— Qui que ce soit, ça peut bien attendre non ? Allez, on boira du bon vin.
— J'ai promis à Simone d'aller la voir cet après-midi, j'avais négocié une permission.
— Ah là, je vais avoir du mal à la concurrencer. Elle a des ... atouts que je n'ai pas.
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Marraine de guerre
RomantizmAu cours de la seconde guerre mondiale, un jeune homme prend le maquis et entre dans la résistance. Il s'appelle Adrien. Comme nombre de soldats, il noue une relation épistolaire avec une jeune femme inconnue, sa marraine de guerre. De ces lettres n...