22. Nouvelle partie

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"Personne aime les riches, jusqu'à ce qu'ils le deviennent." Orelsan - L'odeur de l'essence.

🎶 Musique conseillée :  Enjoy The Silence - Depeche Mode & NDA - Billie Eilish

***

« Je t'ai servi un verre. » déclara Jordan, traversant la cuisine.

Gabriel sortait à peine d'une douche bien méritée, son corps légèrement endolori par... la petite séance de boxe, probablement.

Il se laissa aller contre le dossier du canapé, son corps relâchant enfin la tension accumulée. Cette fois, il devait l'admettre, Jordan avait réussi à satisfaire son appétit insatiable. Il était épuisé, mais d'une fatigue douce, presque agréable.

Le regard de Gabriel se posa sur le verre de vin blanc posé sur la table basse, avant de s'attarder sur la bouteille qui l'accompagnait. Un Chassagne-Montrachet 1er Cru Morgeot, rien que ça. Cent quarante euros la bouteille. Alors oui, les plus fins connaisseurs n'y verront sûrement pas un prix excessif, mais pour un vin blanc tout de même. Un nectar d'exception, évidemment. Mais ce n'était pas n'importe quel blanc : c'était le préféré de Gabriel, depuis que Jordan lui avait fait découvrir.

C'était ce luxe là, auquel Gabriel commençait à s'accommoder, petit à petit, petit geste par patit geste.

Alors, évidemment qu'il en aurait eu lui-même les moyens, et d'ailleurs, bien plus que Jordan. Mais il n'avait jamais cédé à l'attirance de l'ostentatoire. Il avait, certes, un magnifique appartement de fonction niché dans le prestigieux XVIIIème arrondissement de la capitale, d'une — modeste — superficie de 110 mètres carrés, frais payé par l'Etat, dans lequel, d'ailleurs, il s'était toujours senti bien seul. Quelle tristesse.

Il possédait aussi quelques montres dont la valeur dépassait aisément le salaire mensuel moyen des dix pour cent les plus riches du pays, ainsi que des costumes taillés sur mesure par des couturiers que seuls les initiés connaissent. Il passait ses vacances d'été dans résidence privée en Corse, une maison très simple, avec seulement deux agents d'entretien, un service de sécurité, une piscine presque olympique — avec un brin d'exagération — et suffisamment d'espace pour accueillir un banquet présidentiel. Mais cela s'arrêtait là. Une vie très simple, Monsieur-Tout-Le-Monde, n'est-ce pas ?

Non, la subtilité, c'est le rapport que Gabriel avait vis-à-vis de tout ce luxe. Gabriel appréciait, évidemment tous les privilèges auxquels il avait le droit. Qui n'en n'aurait pas profité ? Mais c'était plutôt dans le fait d'assumer ce luxe. Gabriel profitait, quand il en avait le temps — ce qui était rare d'ailleurs — de tous ces privilèges. Mais il ne s'y était jamais vraiment attaché. Pour lui, ces excès étaient presque des secrets à savourer en silence, comme s'il reconnaissait quelque part que c'était indécent, peut-être même immoral, de s'y complaire.

Il n'avait jamais été tenté par des voitures de sport hors de prix ni par des investissements à haut risque. Il gardait son trésor bien enfoui, non par avarice, mais parce que l'ostentation ne l'avait jamais vraiment séduit. Lorsqu'il rendait visite à sa famille, il restait fidèle aux mêmes habitudes : il achetait toujours les plats simples et bon marché à la petite boutique en bas de chez sa mère. Ils les partageaient, en toute simplicité, en famille, comme si rien n'avait changé.

Jordan, en revanche, savourait son nouveau niveau de vie sans honte ni retenue. Il se délectait de chaque instant. Bien qu'il fût financièrement beaucoup moins bien loti que Gabriel, il s'autorisait à vivre pleinement dans ce monde de privilèges. Peut-être que Gabriel s'habituait peu à peu à cette nouvelle vie, celle où il pouvait, en toute impunité, savourer des vins hors de prix, installer une salle de sport dans son appartement — avec un miroir somptueux de surcroit — et rouler dans un SUV allemand. Là aussi, il trouvait peut-être une forme de pouvoir.

[Bardella x Attal] À leur propre jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant