4. Affûter ses armes

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Les feuilles froissées et écrasées jonchaient le parquet ancien du bureau du Premier Ministre, témoins silencieux de l'intensité des préparatifs pour le débat de ce soir. À droite de son bureau, un amas de notes soigneusement rangées sur les sujets de fond indiquait son expertise inébranlable. À gauche, une tasse de café usée semblait avoir enduré des litres de caféine au service de ses longues heures de travail. Au centre de la pièce, un mange-debout était disposé autour duquel Gabriel et Guillaume, un membre de son équipe, étaient penchés.

Guillaume endossait le rôle de Jordan Bardella pour préparer le débat crucial de ce soir et affiner la nouvelle stratégie adoptée par l'équipe du Premier Ministre. Leurs échanges étaient vifs et passionnés, animés par des discours enflammés où Guillaume incarnait volontairement les remarques acerbes que Jordan ne manquerait pas de lancer.

"Vous faites toujours dans la dentelle, Monsieur Attal !"

"Non ! Mais comprenez un peu que votre politique ne conv-"

"Stop, stop, et stop !" Valéry se leva de sa chaise. Elle avait le rôle de l'arbitre, du spectateur. Elle était épuisée, elle aussi. Elle s'approcha de Gabriel, et continua :

"Ça ne va toujours pas ! Ça sonne faux..." constata-t-elle d'un ton qui oscillait entre la déception et l'encouragement.

Gabriel soupira profondément et froissa une nouvelle feuille qui s'ajouta rapidement à celles éparpillées sur le sol de son bureau. Il enfouit son visage entre ses mains, dans un geste de découragement.

Valéry, décidant de prendre un ton plus doux, reprit la parole :

"Tu n'es que dans la négation, tu ne fais que contredire Guillaume."

Gabriel la regarda droit dans les yeux, une lueur d'exaspération mêlée de résignation dans le regard.

"Ce n'est pas justement l'objectif ?" répliqua-t-il avec une pointe d'agacement perceptible dans sa voix.

Valéry et Gabriel partageaient une amitié solide, presque fraternelle. Elle était présente depuis ses débuts, toujours de bons conseils et un soutien inébranlable dans les moments difficiles. Mais elle savait aussi se montrer intransigeante dans son travail, ce que Gabriel admirait profondément. Malgré leur complicité, Valéry n'hésitait pas à le recadrer quand elle sentait que la stratégie n'était pas la bonne. En cet instant, Gabriel se sentait épuisé par cet entraînement futile, ce jeu de rôle auquel il semblait destiné à échouer.

Valéry répondit, cherchant à clarifier les choses :

"Ce qu'on veut, Gab, c'est frapper en premier. Si tu ne fais que répondre aux attaques de Bardella, c'est lui qui gagne. Il t'entraîne sur son terrain. Ne le vois pas comme un ping-pong, mais comme une danse. Il faut que tu sois celui qui la mène, celui qui impose ses sujets."

Elle marqua une pause, cherchant à capter l'attention de Gabriel. Celui-ci hocha la tête, mais ses yeux traduisaient une certaine perplexité. Les débats politiques étaient pour lui une suite d'échanges directs et argumentés, un affrontement idéologique.

Ne voyant pas de réponse claire de la part du Premier Ministre, Valéry reprit, tentant une analogie plus accessible :

"Gab, tu dois le déstabiliser, le pousser hors de sa zone de confort, et surtout, tu dois diriger la danse. En plus, si tu es trop dans la confrontation directe, tes électeurs ne te reconnaîtront pas. Tu es trop parfait, trop lisse..."

Elle s'arrêta brusquement, consciente d'avoir peut-être été trop directe. Gabriel la fixa avec un regard interrogateur, l'encourageant implicitement à terminer sa pensée.

[Bardella x Attal] À leur propre jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant