21. Miroir, Ô mon beau miroir

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Gabriel avait pourtant pris l'habitude de ces convocations dans ce bureau. Autrefois, il passait presque tout son temps ici, pris dans des réunions interminables. Mais aujourd'hui, alors qu'il avait enfin acquis la maîtrise nécessaire pour ses responsabilités, les réunions se tenaient désormais à Matignon. Ironie du sort, maintenant qu'il était pleinement préparé, sa démission avait été acceptée. C'était presque risible, cette vie pleine de paradoxes.

Il était assis face à un immense bureau en bois noir, posé devant une paroi de miroirs qui semblait tapisser le mur tout entier. Il observait silencieusement les moulures dorées, symboles de l'élégance à la française, un luxe raffiné mais presque étouffant. Deux grands drapeaux flottaient de chaque côté du fauteuil présidentiel : l'un aux couleurs de l'Europe, l'autre aux couleurs de la France. Un affichage impressionnant, sans doute un peu ostentatoire pour Gabriel, qui peinait encore à s'habituer à ce luxe.

Il avait toujours pensé que l'amour de l'argent était quelque chose de douteux, mais il devait admettre que ses propres écarts de conduite de ces dernières semaines avaient peut-être aiguisé son goût pour la vie plus luxueuse. Ou peut-être était-ce la décoration sombre de l'appartement de Jordan, et le vin toujours hors de prix qu'il lui servait dans des coupes en cristal ? Vin qui d'ailleurs, finissait plus souvent en accessoire érotique qu'en réelle boisson à déguster, mais bon, ce n'est pas vraiment le sujet.

Emmanuel Macron, élégamment en retard pénétra dans le bureau. « Gabriel ! » le salua-t-il, jovial.

Gabriel, aussitôt se redressa de son fauteuil et tendit sa main au Président. Ils se serrèrent la main, et Emmanuel l'invita à s'installer dans un fauteuil. Gabriel comprit qu'il s'agissait alors d'une discussion plutôt légère. Mais alors, pourquoi cette mine si dure et fermée sur le visage d'Emmanuel Macron ?

Sans plus de cérémonie, Macron lança, un peu froidement, mais avec une lueur presque imperceptible d'amusement dissimulé au fond de ses prunelles : « Gabriel, êtes-vous un expert des systèmes de sécurité ? »

Surpris, Gabriel écarquilla les yeux. Alors là... Il avait l'habitude pourtant, au début de son mandat, souvent le Président conviait Gabriel dans ce bureau, sur ces mêmes fauteuils sur lesquels ils étaient assis, juste pour discuter. Rien de bien méchant, le Président avait seulement besoin d'un peu de compagnie sincère. Ils discutaient parfois, jusqu'à tard le soir, de tout et de rien, les discussions souvent lancées de la même façon : une question sans contexte de la part d'Emmanuel. Etrange ? peut-être oui. Mais pas pour eux. C'était leur façon habituelle de fonctionner, leur petit rituel. Mais jamais aussi tôt dans la soirée.

« Je vous demande pardon, Monsieur ? » interrogea Gabriel, visiblement déconcerté.

« Je vous demande simplement si vous êtes connaisseur en systèmes de sécurité, » répéta Macron, en articulant chaque mot comme pour s'assurer de la compréhension.

« Euh... Je... Pas du tout non, pourquoi Monsieur ? Un problème avec la sécurité du bâtiment ? » balbutia Gabriel, pris au dépourvu par ce manque cruel de contexte et de matière à discussion. Mais la matière, il allait l'avoir, un peu de patience.

Emmanuel éclata d'un rire bref, grave et marqué. Le genre de rire qui signifie « Je suis un homme fortuné et puissant. ». Puis, sous le regard interrogateur, et plutôt carrément perdu de Gabriel, il continua : « Non Gabriel, aucun soucis avec la sécurité du bâtiment. Ni d'aucun bâtiment gouvernemental d'ailleurs. Je dirai même que nos systèmes de sécurité sont à la pointe de ce qu'il se fait aujourd'hui. »

Gabriel essayait de se raccrocher à ces maigres éléments pour espérer continuer la conversation, qui avait l'air, à n'en pas douter, d'amuser le président.

[Bardella x Attal] À leur propre jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant