18. Le poids des sacrifices

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🎶 Musique conseillée : Apocalypse - Cigarette After Sex

Bonne lecture !

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La veille :

Valéry était confortablement installée dans son canapé en tissu, savourant un verre de vin rouge après une semaine éreintante. La fatigue se lisait sur ses traits. Pendant l'absence de Gabriel, parti en déplacement à Lyon, elle avait pris en charge toutes ses responsabilités professionnelles. Bien qu'elle ne montrât rien, elle sentait ses propres limites approcher. Le réconfort de savoir que Gabriel rentrerait bientôt du meeting la rassérénait quelque peu.

Mais peut-être que Valéry savourait son verre de vin rouge pour échapper à la réalité des élections qui l'attendaient le lendemain. Depuis Paris, elle avait suivi les répercussions médiatiques du meeting politique. Gabriel avait indéniablement marqué les esprits, mais malgré tout, le programme du Rassemblement National dominait largement les sondages. Le pressentiment qui la hantait était glaçant : à moins d'un retournement spectaculaire, la bataille semblait perdue d'avance.

Son cœur se serra davantage lorsqu'elle repensa à la conversation qu'elle avait eue avec Gabriel sur une possible dissolution, une discussion qui avait ravivé ses vieux démons. Alors que le vin se faisait de plus en plus rare dans son verre, l'obscurité de ses pensées s'intensifiait. Elle fixait, les yeux perdus, les reflets rougeâtres du liquide qui dansaient faiblement à la lumière vacillante de sa lampe d'appoint, dans un silence pesant, seul témoin de sa solitude intérieure.

Elle se remémorait vaguement les sacrifices qu'elle avait consentis. Depuis des années, elle était seule, et en réalité, elle n'avait jamais véritablement pris le temps d'aimer. Peut-être ne s'était-elle jamais vraiment autorisée à le faire ? Au fil du temps, elle avait construit autour d'elle une carapace épaisse, dissimulant soigneusement la vérité de ses émotions. Les marques des efforts qu'elle avait investis étaient désormais des cicatrices indélébiles, témoignages d'un combat incessant.

Elle avait dû fournir des efforts prodigieux pour arriver là où elle était, bien plus que la plupart de ses collègues masculins. Confrontée à la brutalité d'un monde dominé par les hommes, elle avait également dû affronter la concurrence impitoyable des rares femmes qui parvenaient à s'y faire une place. Chaque jour était un défi renouvelé : des hommes plus âgés lui expliquaient des sujets qu'elle maîtrisait parfaitement, les regards désapprobateurs se posaient sur une tenue jugée toujours inappropriée, et les remarques fusaient, que ce soit sur son apparence, sa prétendue incompétence ou son humeur mal placée.

Chaque mot, chaque regard, chaque remarque était une pierre ajoutée à l'édifice de ses luttes intérieures. Elle se demandait si cette vie de combats incessants en valait vraiment la peine, alors que, dans le silence de son appartement, les reflets du vin dans son verre semblaient se moquer d'elle.

Heureusement qu'elle avait croisé Gabriel, ou plus précisément, qu'il l'avait trouvée. Leur connexion avait été immédiate dès leur première rencontre. Depuis ce jour, elle s'était entièrement consacrée à sa carrière, se dévouant sans réserve. Gabriel était devenu son rempart contre la cruauté d'un monde qui lui était hostile. Depuis leur rencontre, ils étaient inséparables. Elle l'avait soutenu de toutes ses forces, même si parfois, sa sévérité à son égard avait été nécessaire. Elle le savait, elle agissait pour son bien. Mais se pourrait-il que, derrière cette dévotion, se cachait un désir de combler un vide intérieur ?

Il lui arrivait de se demander, malgré l'immense affection qu'elle éprouvait pour Gabriel, si elle n'aurait pas dû être à sa place, après tous les sacrifices qu'elle avait consentis. Lorsque le poste de Premier ministre s'était libéré avec la démission d'Élisabeth Borne, malgré son expérience et son engagement acharné, Valéry savait qu'elle n'était pas en lice pour cette nomination. Alors, elle avait mis tout en œuvre pour que Gabriel obtienne ce poste, pour que son ami le plus cher puisse réaliser son rêve. Elle était fière des accomplissements qu'ils avaient réalisés ensemble, mais parfois, elle se demandait si elle n'aurait pas préféré porter elle-même ce poids immense, cette pression écrasante qui pesait sur les épaules de Gabriel. Peut-être que tout aurait été plus simple si elle avait pu supporter ce fardeau seule.

[Bardella x Attal] À leur propre jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant