∞ Chapitre 23 ∞

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- Papy si tu m'entends, je t'en prie... réveilles-toi.

Je pleure sans pouvoir m'arrêter et ma voix tremble.

- Tu ne peux pas me laisser. Nous laisser. On t'aime tellement tu sais. Je ne te le dis jamais, c'est comme évident pour moi. Mais j'aurais peut-être dus. Je regrette, je m'en veux de ne pas l'avoir fait. Si tu savais comme je m'en veux. 

Les bruits de mes sanglots remplissent la pièce. La chambre d'hôpital de Papy Lucien est très blanche, comme toutes autres chambres d'hôpital. Je suis seule avec Papy. La chaise sur laquelle je me trouve est inconfortable, mais comparé au moment où j'attendais dans la salle d'attente sur le même genre de chaise, je m'en contre fiche. Je suis avec Papy, et pour l'instant, c'est tout ce qui compte.

Son lit trône au milieu de la chambre. Un bandage recouvre le haut de la tête de mon grand-père, recouvrant ses cheveux pourtant si épais habituellement. Il semble dormir. Être apaisé. Être bien. Mais je n'arrive pas à le croire. Comment peut-il être bien s'il est incapable de nous le dire.

De plus, les machines qui bipent autour de lui me disent le contraire, tout comme les fils qui en sont reliés à Papy. Les infirmières changent parfois quelques "tuyaux" -je n'aime pas ce mot mais c'est pourtant à ça que ça ressemble. Ils lui serviraient à le nourrir, à lui donner des médicaments, à le maintenir en vie. Il a besoin d'un tas de machines effrayantes pour rester en vie.

Les médecins ne savent s'il m'entend mais je me lance tout de même une nouvelle fois :

- Je ne me rappelle même plus ce que l'on s'est dit la dernière fois que l'on s'est vu. Ça ne me semblais pas important sur le moment. Je ne pensais pas qu'il le deviendrait pour moi aujourd'hui. Quelle est la dernière blague que tu m'as faite ? C'est ça le plus difficile : ne pas se souvenir de ta dernière blague. C'est ce qui te caractérise normalement. Tu es drôle. Et même quand tu ne l'es pas, on rit à tes côtés. 

Je fais une pause dans mon monologue et serre plus fort la main de mon grand-père entre les miennes.

- Pourtant, je pleure en ce moment, poursuis-je. Tu ne me vois pas, c'est certain, mais si ce que je dis n'est pas vain et que tu parviens à m'entendre, tu dois deviner que je pleure. C'est plus fort que moi. J'ai essayer de rester forte, crois-moi. Tu m'as toujours dis que j'étais courageuse, que mon caractère me donnait cette force, et que mentalement je pourrais soulever des montagnes, battre Mohamed Ali sur le ring ou bien dépasser Usain Bolt à peine sortie des starting block. Tu t'en souviens ?

Je ris en me souvenant de lui me le disant. Il est sûr que moi je m'en rappelle. Il n'arrête pas de me le répéter. Il n'arrêtais pas. J'ai toujours pensé qu'il avait raison et que je pouvais être forte. Depuis que je me réveille en sueur chaque nuit, il me dit de m'imaginer en train de battre le record du monde de l'apnée. Soit disant, être sous l'eau apaise et selon lui, défier la nature et ne pas respirer sous l'eau pendant un moment montre au monde que l'on est extraordinaire. Mais c'est faux, je ne suis pas extraordinaire. Je n'ai rien d'extraordinaire, et ce, peu importe ce qu'il peut me dire.

- Aujourd'hui, je n'ai pas été forte. Tu as tords, je n'ai jamais été forte. Je fais semblant de l'être, mais je ne pourrais jamais être comme tu m'imagines. Tu penses que je suis courageuse. Tu pense que mon courage est ma force, que je ne recul devant rien, ou presque, et que lorsque j'échoue à faire quelque chose, je recommence jusqu'à ce que j'y parvienne. J'étais peut-être un peu comme ça avant. Mais je suis persuadée que je ne le suis plus. Je fais comme si depuis un moment, mais je ne le suis plus et ne le serai plus jamais. Il m'a détruite, Papy. Il me détruit. Continuellement. Peu importe ce que je fais, ce que je dis, où je me trouve, je ne serais plus jamais forte. Il m'a pris tout ce que tu aimais tant chez moi. Et aujourd'hui je n'ai pas réussi à faire comme si ce n'était pas le cas. Je n'ai pas su consoler Mamie et Maman, car il fallait déjà que je trouve un moyen de me consoler moi-même. Et même ça j'en étais incapable. 

L'impossible Infini ∞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant