∞ Chapitre 24 ∞

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Nous sommes tous dans la chambre de Papy Lucien, toujours profondément endormi. Seules les machines autour de lui rompent le silence glacial. Personne ne sait quoi dire.

Papa tient la main de Maman fermement entre ses siennes. Je ne les voie jamais aussi proche. A vrai dire, je ne vois que rarement mes deux parents ensemble. Lorsque Papa arrive du travail, j'ai déjà mangé, et suis dans ma chambre, et Maman fait souvent des gardes de nuit. Passé une certaine heure, je ne descends pas et reste dans ma chambre, c'est ce qui fait que je ne les vois jamais, ou presque, tous les deux. 

Mamie Armance se trouve sur le fauteuil au côté de son mari inconscient, et le regarde profondément. Son inquiétude est visible à des kilomètres. Ma tante est également ici, mais sans son mari et ses trois garçons. Elle est assise sur une chaise à côté du lit de Papy. Elle habite un peu plus loin, mais a tenu à venir, ce qui est largement compréhensible. Du haut de ses trente-huit ans, elle est la cadette de Maman de six ans. J'ai toujours trouvé qu'elle faisait plus jeune. Elle est très classe, toujours bien habillée et maquillée simplement mais superbement. Ses cheveux d'un noir très sombre tombent sur ses épaules. On se voit assez régulièrement et je m'entends bien avec le plus âgé de ses fils, Julian, qui a quinze ans.

Enfin, mon oncle Jean-Paul, qui a toujours quelque chose à dire habituellement, est assis à ma droite, muet, le regard dans le vide. On ne se voit qu'à Noël, à Pâques et en Août. C'est réglé comme une horloge car il a toujours quelque chose de prévu. Il est chef d'une grande entreprise de voyage mais ne trouve que rarement le temps de prendre des vacances et de voyager lui même. 

Je suis arrivée il y a une heure avec Papa, tout ce petit monde était déjà présent. C'est touchant, et j'espère vraiment que Papy peut le sentir ou bien nous entendre, juste savoir qu'on est tous là pour lui. Malheureusement, il ne daigne bouger un doigt ou bien ouvrir les yeux. Il fait sûrement du mieux qu'il peut, j'en suis pratiquement sûre, mais je voudrais tellement qu'il parvienne à se réveiller.

C'est là que le bruit de ma sonnerie de téléphone, Footloose, brise le silence. J'ai complètement oublié de le mettre en silencieux, et c'est un moment gênant qui se déroule en ce moment même, alors que le silence était à son comble. Je me dépêche de fouiller dans ma poche et de le trouver. C'est Jade. Je me dois de lui répondre ; après tout, elle n'a pas eu d'explications depuis qu'on l'a laisser en vitesse chez elle hier matin. Je m'excuse auprès de ma famille et quitte la chambre avant de décrocher à mon amie. 

- Oui Jade, lui dis-je à travers le combiné.

- Alice, ça va ?

Je peux sentir son anxiété dans sa voix de l'autre côté du téléphone. Elle a dut se demander ce qui s'est passé. Je lui réponds simplement que je vais bien, car je pense que c'est la vérité. Comparé à Papy, je ne vais pas me plaindre en disant à qui veut l'entendre que je ne vais pas bien. Comparé à lui, je suis en pleine forme, et ce serait mentir de dire le contraire. 

- Et ton grand-père ? Qu'est-ce qu'il a ? me questionne Jade.

Sans pleurer, je lui raconte ce qui lui est arrivé et son état actuel. Le dire à haute voix rend la vérité encore plus dure qu'elle ne l'est déjà, et la situation semble plus désespérée que je ne l'ai cru. Papy ne va peut-être pas se réveiller. Le jeune médecin qui nous a parlé hier et que j'ai plus ou moins insulté c'est avéré être un interne. Maman m'a dit qu'il est arrivé il y a un mois. Elle m'a également dit qu'il n'a fait que son travail et qu'il ne fallait pas lui en vouloir. "Ce n'est pas de sa faute", m'a-t-elle dit. 

Après avoir raconté ce passage, Jade ne répond que quelques secondes plus tard.

- Ta mère a raison, ce n'est pas de sa faute. 

L'impossible Infini ∞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant