Chapitre 44

58 5 2
                                    

  - Tu sais, à chaque fois que quelqu'un sort un truc vraiment drôle, un truc qui me fait rire, je me retourne pour voir si ça te fait rire aussi, mais t'es pas là, à chaque fois. A chaque fois qu'il se passe quelque chose, c'est à toi que j'ai envie de le raconter, car c'est à toi que je le racontais avant. A chaque fois que je ne me sens pas bien, c'est à toi que j'ai envie de téléphoner pour me consoler, pour me faire rire. Mais à chaque fois je me souviens que je ne peux pas, que je ne peux plus. Et même si je pense à toi constamment, j'essaie de t'oublier. J'y met tellement d'énergie. Je n'y arrive pas, et je suis fatiguée de gaspiller cette énergie. Tu es mon meilleur ami. Tu étais mon meilleur ami Rayane... J'ai vraiment essayé de tourner la page. J'étais prête. Mais c'est la page qui refuse de se tourner. Le seul moyen que j'ai trouvé à été de l'arracher. Si seulement ça pouvait marcher. Si seulement ça pouvait être aussi simple. Mais ça ne l'est pas. A chaque fois qu'un truc me fait rire, je me retourne pour voir si ça te fait rire aussi. A chaque fois. Tu peux y croire toi ? Qu'après tant de temps je me fasse avoir encore et encore ? A présent je n'ai plus envie de me retourner et de ne trouver personne. J'ai envie que tu redeviennes mon meilleur ami et je suis prête à fouiller les poubelles pour retrouver cette page chiffonnée et la remettre à sa place même si je sais qu'il me faudra beaucoup de colle. Je te le demande maintenant : redeviens mon meilleur ami...   

J'attends, le souffle coupé, une réponse. J'attends qu'il dise quelque chose. Il doit dire quelque chose. Il ne peut pas me laisser sans réponse. Et pourtant, cela fait déjà un bon nombre de secondes que je patiente et qu'il n'a dénié prononcer un mot. Pourquoi ? Pourquoi ne me répond-t-il pas ? 

Je sais bien que ce que je lui ai dit au lycée ne devait pas être facile. Mais ce n'était pas facile pour moi non plus. J'ai été bien trop dure et sûrement bien trop convaincante pour qu'il refuse de me parler pendant des jours. Alors pourquoi n'ai-je pas réussi à me convaincre ? Ça aurait été tellement plus facile.

Une nouvelle fois, je vérifie qu'il n'ait pas raccroché. Il ne l'a pas fait. Je ne sais pas ce qu'il attend, s'il est en train de réfléchir ou s'il ne sait pas quoi me répondre, mais je regrette de plus en plus de l'avoir appelé. J'ai l'impression d'avoir tout gâché.

Le téléphone près de mon oreille, je reste sans bouger. Ce n'est qu'après de longues, longues secondes qu'un bruit se fait entendre. Malheureusement pour moi, c'est le bruit qui indique qu'il a raccroché. A contre cœur, j'éloigne mon téléphone portable de mon visage. J'ai la soudaine envie de le lancer de toute mes forces par terre. Je contiens ma déception et le garde dans la main.

Les larmes commencent à monter. Je m'interdis de pleurer et descends de la barrière pour reprendre mon vélo. Je pédale le plus vite possible, laissant ma rage -contre moi-même- s'échapper de cette manière. Je fais un détoure. Je n'ai pas envie de rentrer tout de suite. 

L'air s'engouffre dans mes cheveux, les faisant voler derrière moi. Ils vont être mêlés ce soir, mais je m'en fiche. Tout ce qui compte pour le moment c'est de pédaler et de ne penser à rien d'autre. 

Après quelques minutes je me rends compte que je ne reconnais plus le sentier que je suis en train d'arpenter. Je ralentis la cadence et regarde autour de moi. Des champs. Des champs. Et des champs. Voici ce que je vois à perte de vue. Génial. Je finis par m'arrêter au bord de cette "route" en terre. De frustration, je jette le vélo à terre avant de crier à gorge déployée. 

Une fois cela fait, et même si c'est très libérateur, je me sens vraiment stupide. Je parcours à nouveau les environs du regard. Personne. Il n'y a personne dans cette campagne de malheur. Je décide de prendre mon téléphone à nouveau, dans le but d'appeler mon cousin, ma cousine ou bien ma tante et mon oncle si ces deux premiers ne répondent pas.

L'impossible Infini ∞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant