I~Hôte

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J'en ai marre.

Takanori en avait par-dessus la tête de devoir rester dans cette voiture si inconfortable. Cela faisait des heures qu'il était assis, dans l'incapacité de pouvoir marcher, bouger, se explorer. Il s'ennuyait à mourir dans ce véhicule de fortune. Depuis le coucher du soleil, ils avaient pris la route avec le chauffeur qui devait le mener à bon port pour arriver dans les temps à la seconde étape de son voyage. Cependant, ce chauffeur étant un homme suspecté de débilité profonde, ils tournaient en rond depuis des heures dans l'espoir de trouver Toulouse qui n'était visiblement pas assez voyante pour l'homme que Takanori avait payé pour le mener là-bas.

Ayant mit le plus d'espace possible entre lui et l'individu, Takanori n'avait de cesse de changer de position, de jouer avec ses pieds, de trouver un moyen de s'occuper l'esprit. Il n'était pas parvenu à se détendre dès qu'ils eurent commencé à se perdre dans les méandres d'autoroutes empruntées au hasard et ce, depuis bien trop longtemps. Comment pourrais-je rester calme alors que je dois être dans les temps là-bas pour faire tout ce que j'ai prévu ? En premier lieu, le fait que ce chauffeur de pacotille ne parvienne pas à le conduire là où il fallait l'énervait plus que de raison, mais s'ils n'arriveraient pas à bon port ce serait la fin d'un monde, le sien. Pourvu qu'on arrive à l'heure...

Takanori était harassé de fatigue. Il savait que des cernes immondes allaient s'abattre sur cette face qu'il entretenait si bien. Ces cernes lui tomberaient jusqu'en dessous du menton pour exposer des poches surdimensionnées de peau. Rien qu'à imaginer ça... Un frisson de dégoût s'empara de lui. Le pire serait de voir ces mêmes cernes jouer avec les couleurs et devenir tantôt bleues, tantôt violettes. Juste au toucher, il était capable d'imaginer l'horreur que devait être sa tête. Il sentait sous la pulpe de ses doigts, la peau de ses yeux gonfler doucement. À cause de cela, il ne pouvait s'empêcher de lancer, dans le rétroviseur du véhicule, des regards foudroyants au conducteur. Pourtant, l'autre ne bronchait pas. Il ne daignait même pas lui présenter ses plus plates excuses. Quel malpoli celui-là ! J'espère en avoir fini rapidement avec ce con !

« -Ne pouvez-vous pas ralentir encore ?Je n'ai pas perdu suffisamment de temps ! » 

Heureusement qu'on roule et que je suis attaché. Je lui aurais mis une pêche qu'il aurait bien sentie.

Takanori s'abîma dans la contemplation de l'extérieur à travers sa vitre gauche alors que l'autre ne répliquait pas. Toujours, ces arbres statiques. Toujours, cette route éternelle. La nuit était tombée depuis plusieurs heures, il n'y avait que de rares voitures noctambules qui filaient dans l'inconnu. Takanori regardait donc principalement les grandes ombres de ces fabuleux végétaux qu'étaient les arbres aux bords de la route. Je crois que je n'ai pas pris assez dans mes économies pour payer un chauffeur compétent. Je veillerai au grain la prochaine fois. Doucement, presque imperceptiblement, il se sentit attiré par le dossier de son siège. Enfin ! On prend de la vitesse ! Il ignorait quelle était la limitation légale dans ce pays et peu lui importait de le savoir, la seule chose qu'il voulait était un lit.

Peu de temps après qu'il ait compris que la voiture accélérait, il fut lentement attiré vers la gauche. Maudite force centrifuge !  

Pour essayer de se calmer, Takanori secoua ses épaules tendues par l'angoisse, étira sa nuque crispée par l'impatience puis souffla un grand coup. Pour chasser la fatigue de ses yeux, il se les massa. Cela fait, il s'assit aussi effrontément qu'à son habitude : une jambe posée sur l'autre et les bras étendus sur les têtières. Inlassablement, il observait d'un œil critique l'intérieur du véhicule. Aussi morne, aussi triste, aussi moche : ce genre de couleurs ne devrait pas exister. Le gris souris étrange des petites citadines est tout ce que je déteste.

MONSTER'S PROJECT : I. DovenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant