III. 3

15 1 0
                                    

Je veux bien, mais le problème, c'est que je ne sais pas qui tu es !

« -Vous connaissez des coins sympas ?

-Ouais, mais tutoies-moi, je suis un jeune, toi aussi, répondit Kai tout sourire.

-Bah... D'accord. J'aimerais te remercier pour « ça », déclara Takanori en montrant une hésitation. »

Kai leva les mains en signe de protestation.

« -Je t'assure que c'est rien ! C'est bien normal après ce qui t'est arrivé ! Bon, continua-t-il en se calmant. Je vais te ramener à un endroit que j'ai découvert juste hier. Tu verras, c'est super beau. »

Avec peu d'énergie, Takanori acquiesça. Il ne se rendit pas immédiatement compte à quel point la douche qu'il avait prise l'avait ramolli. Il était plongé dans un état de béatitude et les mots peinaient à sortir ne serait-ce que du fond de ses cordes vocales. Quelques minutes les yeux fermés et je pourrais si facilement m'endormir... Ce serait si facile. Bien trop facile même.

Emporté par la mollesse de ses pensées, Takanori ne remarqua que très tardivement qu'en moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire, ils étaient déjà rendus à l'extérieur. En sentant une douce brise printanière effleurer son être, il ne put s'empêcher de sourire en pensant qu'il était enfin pleinement libre après tant d'heures, de minutes, de secondes et de jours passés sans rien faire dans le noir. Sans rien sentir des contacts familiers d'un quotidien disparu, sans rien reconnaître des sons auxquels on l'avait habitué depuis sa naissance, sans rien savoir de ce qu'il pourrait rencontrer dans des sous-sols insalubres.

Si se retrouver dehors uniquement par envie le fit directement penser à sa liberté nouvellement retrouvée, le fait qu'ils durent faire un large détour par l'arrière de l'hôtel et qu'il vit de loin l'entrée du sous-sol, la suspicion revint en lui qui observait très attentivement son acolyte qui ne faisait absolument rien de mal. Au contraire : au lieu de s'occuper de lui, Kai contemplait avec émerveillement l'horizon avec un léger sourire innocent.

Si c'est pas malheureux de se méfier à ce point de tout le monde...

Takanori savait qu'il ne pouvait faire autrement dans ce genre de lieux. Il venait tout juste d'apprendre à ses dépens qu'il ne pouvait faire confiance à personne et s'il en était capable, sans distinction pour aucun individu. Alors il n'avait pas réellement de scrupules à fixer de temps à autre celui qui s'était dévoué pour faire une balade avec lui. D'un côté, il faisait cela pour vérifier qu'on ne lui tendait pas une perche, de l'autre pour comprendre cette étrange fascination pour tout ce qui les entourait. Ils arrivèrent d'un pas tranquille dans les sous-bois et ne parlaient toujours pas. Cependant, c'était une ambiance plus ou moins détendue qui prenait part. Un sol plus meuble fit son apparition et ils poursuivirent leur chemin dans le quadrillage étrange que formaient toutes les sortes d'arbres présentes.

En avançant plus profondément dans ce qui ressemblait à une forêt de par une densité beaucoup plus présente, Takanori se surprit à devenir un peu plus sensible à l'endroit. Il décela très méthodiquement ce qui le pousserait à devenir en très peu de temps un puits émotionnel qui collecterait tous les sentiments trouvés dans cet environnement d'une profonde sérénité : une envie lancinante sous forme de picotements sur toute la partie inférieure de ses bras l'informait qu'il fallait qu'il écrive quelque chose. Amèrement, il se rendit compte qu'il n'avait rien emporté pour pouvoir calmer l'inspiration qui le prenait si abruptement. Et ce fut avec une pointe de tristesse qu'il vit s'échapper de ses méninges des petites perles brutes dont il ne se souviendrait probablement jamais.

Ils consacrèrent une partie de leur après-midi à errer sans but précis parmi les bruits légers d'animaux, les chants d'oiseaux et quelques timides paroles échangées. Mais les heures tournaient sans se préoccuper d'eux et ils durent se tourner vers l'option que Kai avait proposée au tout début. Ils filèrent dans une autre direction que celle qu'ils avaient prise. Takanori suivait le mouvement et, lorsqu'il vit enfin de quoi il en retournait de ce « très bel » endroit, il fut loin d'être déçu.

MONSTER'S PROJECT : I. DovenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant