MONSTER'S PROJECT : I. Doven

X~Curiosité Malsaine

Une larme réussit à passer le mur de ses yeux clos.

La sensation était douloureuse et agréable à la fois. Takanori se savait étendu sur quelque chose d'incroyablement mou et confortable, mais quelque chose n'allait pas. Il avait mal partout. Ses bras, ses jambes étaient brûlantes. Ça le dérangeait, ça lui faisait mal. Il essayait d'apaiser un peu son corps, il se laissait bercer par le silence paisible envahissant la pièce. Les images du jour dernier lui revenant sans cesse en tête.

Repassaient sans interruption les chaînes, l'odeur suave de la mort, les coups. Mon ventre... Son sang également, qui avait coulé sur son visage, son bras, et ses jambes et son bas-ventre. Sa liberté qu'ils avaient tout entravée pour mieux le faire souffrir. Ces rires, ses cris. La souffrance endurée.

Et pire que tout, la honte de ne pas avoir été capable de se protéger.

Il rouvrit les yeux. Le film se stoppa.

Un torrent de folie, de haine et de douleur.

Takanori contempla tristement le haut du lit à baldaquin. Il n'osait pas esquisser ne serait-ce que le moindre geste ; de peur de raviver plus encore ses plaies, de peur de réveiller les autres. Takanori essaya de se souvenir de ce qu'il s'était passé après son « entrevue » avec William. Une chose lui était revenu était le fait qu'il avait eu suffisamment de motivation pour monter à l'étage. Ça me fait au moins une fierté, c'est déjà ça... Hélas, après, un trou noir béant.

Il soupira.

Il inclina la tête vers son bras encore sain et trouva Kai assoupit, dos à lui. Il ne put qu'esquisser un petit sourire. Il resta plusieurs minutes sans savoir s'il pouvait se mouvoir sans avoir mal. Il finit par avoir un petit élan de courage apeuré et commença à incliner le haut de son buste.

La voix était libre.

Jusqu'à ce qu'il soit véritablement assis, Takanori prit du temps à se relever, s'appuyant sur son bras droit pour éviter ses muscles au niveau du ventre de trop forcer. Lorsqu'il fut enfin installé, il baissa les yeux. Son pantalon avait disparu. À la place, des bandages recouvraient une bonne moitié de ses cuisses. Est-ce que William m'a coupé profondément ? Takanori osa effleurer très légèrement la gaze qui entourait ses jambes. Il releva soudain son t-shirt. Là aussi ses blessures avaient été soignées. Rassuré, il se perdit dans le vide.

Une boule de solitude l'écrasa d'un coup. Il s'enferma entre les quatre murs de sa conscience. Totalement immobile, il plongea dans ce néant immatériel qui happa son esprit et alourdit son cœur. La privation de ses repères s'activa doucement et un noir caractéristique s'imposa à lui tandis qu'il cachait ses paupières derrière ses mains.

Takanori ne revint que bien plus tard de cette chose silencieuse. Il inspecta son bras mutilé. C'était comme sur ses autres membres, les bandages étaient fermement serrés et collaient à sa peau comme il fallait, à la différence près d'un minuscule coquelicot en plein milieu.

Son incertitude c'était longuement battue contre sa curiosité mal placée. Malheureusement, cette dernière avait remporté la bataille. Takanori s'arma de toutes les résolutions possibles et imaginables pour se résoudre à poser les pieds aux bords du lit. Il prit toutes les précautions du monde pour ne pas déranger les autres dormeurs et prit grand soin de faire le moins de mouvements brusques possibles. Par chance, en se rapprochant des bords, aucun bruit de plaintes ensommeillées ne vint troubler sa concentration devenue peu à peu viscérale à chaque nouvelle avancée.