MONSTER'S PROJECT : I. Doven

XII. 3

Sa sœur. Sa grande sœur. Si forte, si combative ; elle était recroquevillée sur elle-même, les bras autour de ses jambes fines, dodelinant sur les tatamis. Elle regardait le sol avec des prunelles vides d'émotions. Sa sœur qui n'avait jamais plié n'était devenue qu'une petite chose apeurée, faible. Le petit être le plus fragile qui lui ait été donné de voir.

« -Qu'est-ce qu'il y a ?

-T'sais pas c'est quoi le problème ? répondit ironiquement Yuki en riant. J'vais t'expliquer c'est quoi ton problème ! »

Aïe...

« -T'es qu'un traître ! Comment t'as pu m'abandonner comme ça ? Hein ?! Pendant des semaines tu m'as rien envoyé comme mail ! Silence radio ! Et après tu t'es taillé en France pour ton putain de road trip et qu'est-ce qu'il y a encore ? Que. Dalle ! Tu m'as même pas envoyé quoi que ce soit pour me dire que tu étais bien arrivé ! 

-Bon, commença Takanori en soupirant. Déjà, c'était pas voulu que je te parles plus. C'est juste que j'avais pas une minute à moi entre mon travail, les préparations pour mon départ et autre. Le seul temps que j'avais c'était pour pioncer ! Et pour la France, je suis désolé mais j'ai eu des problèmes et j'ai perdu mon portable. Logique que j'ai pas répondu ! Et si je suis un traître pour toi, très bien, mais j'ai rien fait de mal, répliqua-t-il froidement.

-Bien sûr ! Tu t'en balances de ce que je peux ressentir ou pas ! C'est ça en fait ! Le pire c'est que des rumeurs courent comme quoi c'est pas net là-bas mais non ! Toi tu fonces dans l'tas. À cause de tes conneries et tout ce qu'on me disait j'ai cru que tu t'étais fait tuer toi aussi ! Toutes les promesses sur le lit de mort de notre oncle c'est quoi pour toi ? C'est rien, hein ? Dis que c'est ça ! Je le sais que c'est ça ! Sale connard va ! »

C'était comme recevoir un mur invisible. C'était violent. Les mots tapaient là où ça faisait mal, alors qu'il était innocent. C'était comme lors d'un feu de forêt, il avait suffit d'une étincelle au mauvais endroit, au mauvais moment. Pourtant ce sentiment assimilait toutes ces accusations semblaient l'emprisonner dans une prison de glace. Il était coincé. Muet qu'il devait rester pour éviter une cassure de plus. Et ces larmes qui coulaient le long des joues du visage fin de sa sœur le dérangeait. Il était incapable de réagir. Devait-il l'enlacer ? Essayer de la consoler ? Allait-elle le repousser ? Il perdait ses moyens face à ces gouttes salées qui tombaient de cette mer goudronneuse.

« -Comment t'as pu croire à des rumeurs ? Des ru-meurs ! Toi qui fais jamais gaffe à des « on dit » ! Je te savais pas aussi crédule ma pauvre !

-De toute façon il a toujours fallu que je te surveille ! Partout ! Tout le temps ! Il fallait que je garde un œil sur les conneries que tu faisais ! À croire que t'es né pour parasiter les autres et t'assurer une putain de protection ! Espèce de bébé va !

-En gros tu dis que je me faisais entretenir ? demanda Takanori, hésitant.

-E-xa-cte-ment tiens ! Et le piRe c'est que t'as toujours agis comme un égoïste doublé d'égocentrique ! Moi, t'as jamais pensé à tous les sacrifices que j'ai dû faire pour un gamin louche qui traînait avec la racaille des rues ! J'ai abandonné mes études pour te nourrir, te chauffer, te laver et te faire étudier ! J'ai dû troquer ma vie pour espérer que tu aies une vie meilleure que la mienne ! Et tu vois c'que je vois ? Un gamin à peine sorti de ses couches qui découvre la vie depuis à peine un an ! Un an où j'ai jamais eu le mérite que je devrais avoir !

-Tu penses vraiment que j'étais une racaille à cette époque ? hurla Takanori, dégoûté.

-Bah ouais ! J'ai tout plaqué pour toi et regarde où t'en es rendu : tu bosses dans un resto ! T'appelle ça une réussite ?!